Les diplomates
Ils saluent d’un rictus les piqu’s et les lardons
Ils sav’ fermer leur gueul’ quand ils n’ sont pas d’accord
Quand on viol’ leur compagne ils regardent dehors
Pour eux proférer “non” c’est péter au salon
Ils nous font un discours quand on sort un pétard
Et quand notre cœur s’ouvre ils nous prenn’ pour des fous
Ils sav’ tout arranger à la faveur du flou
Et les formes du vrai s’estomp’ dans leur brouillard
Les diplomates…
Quand à bout de fierté il lui larmoie je t’aime
Et qu’ell’ répond glacée ah bon moi je n’ t’aim’ plus
Ils soupir’ tous en chœur : ah, quel malentendu!
Causons et vous verrez que c’ n’est qu’un faux problème.
Quand on n’ gagn’ que des clous à bosser comm’ des bœufs
Et qu’ le patron n’ veut pas rogner sur son rosbif
Ils estim’ que fair’ grèv’ ce n’est pas constructif
Et qu’y a toujours moyen de s’entend’ quand on veut
Les diplomates…
Quand manquant au respect dû au roi son tonton
Antigon’ lui déclar’ que les lois d’un mortel
Ne sauraient abroger la justice éternelle
Ils trouv’ que cett’ jeun’ fille est de bien mauvais ton
Quand Galilée ronchonn’ que la terr’ tourne en rond
Ils lèv’ les yeux au ciel et susurr’ Quel débile!
Mais quand l’ feu du bûcher la lui montre immobile
Ils s’ dis’ Ah ce Rital a cessé d’ jouer au con
Les diplomates…
Ils pens’ que si Pyrrhus regardait mieux Hermione
Que si Rodrigue avait un peu plus d’ ciboulot
Et Hamlet un peu moins, et qu’ si c’ pauvre Othello
N’avait pas tant bâclé l’enquêt’ sur Desdémone
Qu’ si Polyeuct’ leur avait demandé leur avis
Avant d’aller casser quelques statues antiques
Et qu’ si ce sot d’ roi Lear avait gardé son fric
Il y aurait en c’ bas monde un peu moins d’ tragédies
Les diplomates…
Et quand pépé qui sombre et qui coule et qui pue
Qui ne peut plus pisser, ni manger, ni dormir
Les yeux exorbités s’écrie : Je vais mourir!
Ils jug’ que ce débris manque un peu de tenue
Y a qu’un’ ration pour deux? Faut s’serrer la ceinture!
Mangez donc d’ la brioch’ si vous n’avez pas d’ pain!
Si vos godass’ prenn’ l’eau, fait’ la route en voiture!
Tout leur paraît bonnard pour aller jusqu’à d’main
Aux diplomates…
Ô vous les bons apôtr’ Ô vous les boutefeux
Quel’ mouch’ vous a piqués? et quant au fils du Rêve
Qui disait apporter “non pas la paix mais l’ glaive”
Ne leur en parlez pas, c’était un séditieux
Ce sont des pessimist’ Y avez-vous songé?
Ils n’attend’ pas l’ grand soir pour nous raser gratis
Car ils pens’ que la pisse est au fond du calice
Et qu’ celui qui l’agite en boira sa gorgée
Les diplomates…
J’en ris, mais c’est errer je les hais, mais j’ai tort
Et l’on peut s’ demander des pros du taste-lie
Des gens qui comm’ mézigu’ sacralis’ les conflits
Si nous aimons le vrai si nous aimons la mort
Ou si nous n’ comptons pas en secret sur ces nains
Pour pallier nos conn’ries et limer nos canines
Quand on exig’ des coups nous servir des câlins
Et noyer nos chagrins dans des flots de bibine.