N'attends pas*
Quand elle a pénétré dans ma piaule
C’est à pein’ si j’en ai cru mes yeux
Pour la voir j’ s’rais allé jusqu’au pôle
Qu’ell’ vienne ell’ y avait d’ quoi croire en Dieu
Sauter d’ssus t’y pens’ pas vieux vicieux
J’avais là un’ bouteille un peu d’herbe
Et moll’ment étendue sur mon pieu
J’ l’ai soûlée d’ mon pinard et d’ mon verbe
J’escomptais que l’ désir s’exacerbe
N’ cassons pas l’ roman-fleuv’ d’un’ bévue
N’ passons pas comme un con de la botte à la gerbe
Tendress’ respect durée… seul’ment j’ l’ai jamais r’vue
N’attends pas n’attends pas n’attends pas
Si la femm’ de ta vie
Chérit les glands qui glandent
N’est-ell’ pas assez grande
Pour t’en donner avis
Pauvre niais quand tu bandes
Écout’ la voix d’ ton vit
Ne r’mets pas aux calendes
N’ réfrèn’ pas tes envies
N’ joue pas les Groenland
L’ désir inassouvi
N’ revient pas à la d’mande
N’attends pas n’attends pas n’attends pas
Un’ de perdue dit-on dix de r’trouvées mais quelles
Bien rar’ que tu r’voies cell’ qui naguèr’ t’avaient plu
Avant qu’ell’ n’aient vingt ans et quarant’ kilogs d’ plus
C’est dix chameaux qui r’vienn’ quand tu manqu’ un’ gazelle
Lors de c’ Quiz qu’on nomm’ Bac en douc’ France
Ma facond’ m’a valu mention bien
Mais franch’ment en tout’ lettr’ et tout’ sciences
Faut conv’nir que j’ savais rien de rien
Ces poèt’ philosoph’ historiens
Que j’ citais à l’esbrouf’ sans rougir
Grecs all’mands normaliens mongoliens
Par la suit’ je comptais tous les lire
Fair’ la list’ de tous ceux qui jaunirent
À mon ch’vet en tant d’ans j’ pourrais plus
Tout c’ que j’ sais c’est qu’à c’t’ heur’ j’ suis aussi cancre ou pire
Et qu’au seuil du caveau j’ les ai toujours pas lus
N’attends pas n’attends pas n’attends pas
Ne laiss’ pas la poussière
Ens’velir tes cahiers
Tes neuron’ depuis hier
Ont claqué par milliers
N’ t’enlis’ pas dans l’ornière
Du boulot vivrier
D’ la télé moutonnière
N’ confonds pas prend’ son pied
Et fermer les paupières
N’ descends pas la rivière
En feignant d’ pagayer
N’attends pas n’attends pas n’attends pas
C’ qu’on r’met au mois suivant ça s’ transforme en corvée
Laiss’ chanter dans leur puits les sirèn’ de la flemme
Soit mourir sage ou con c’est du pareil au même
Mais qu’ sauras-tu des joies dont tu t’ seras privé
T’attends ptêt le couplet du voyage
J’ dois admett’ qu’il est un peu bateau
Mais combien j’aurais vu d’aut’ rivages
En m’ levant ne s’rait-c’ qu’un peu plus tôt
Tant d’ lend’mains s’ sont changés en râteaux
Qu’est d’venu l’ Katmandou d’ mon enfance
En fin d’ compt’ j’ l’ai connu qu’en photo
Côté transe y a comme un’ différence
Rien n’ manquait l’ fric la caiss’ les vacances
Mais papa a dit non j’ai cédé
Ils sont partis sans moi et au bout d’ l’existence
À pein’ si j’ai tâté d’ l’effet du LSD
N’attends pas n’attends pas n’attends pas
N’attends pas t’as pas l’ temps
Tout s’escampe à tir’ d’aile
Les oiseaux sur l’étang
L’odeur des asphodèles
Le cri d’ l’orang-outan
La chanson d’ l’anophèle
Saisis saisis l’instant
Du Spitzberg aux Seychelles
D’ la Chine au Merdistan
La sensation nouvelle
Quell’ qu’ell’ soit gorge-t’en
N’attends pas n’attends pas n’attends pas
Aux yeux du souvenir le monde est ptêt petit
Mais il le s’ra bien plus s’il se borne à ta piaule
Ne t’ fixe pas des d’voirs qui chang’ ta vie en geôle
Qu’iras-tu ruminer si tu n’as rien senti
Sur ce f’sons un’ ’tit’ plac’ à la haine
Si ça t’ choque obstrue-toi les tympans
C’est s’lon moi cell’ qu’on r’foul’ qu’est malsaine
En tout cas c’est pas d’ ça que j’ me r’pens
Un hybrid’ d’ân’ de paon et d’ serpent
Bref mon chef abusait d’ ma faiblesse
J’avais bien planifié l’ guet-apens
Mais l’ jour dit d’ l’envoyer ad patres
Pas moyen d’ me secouer d’ ma paresse
Et d’puis lors bien d’aut’ jours s’ sont enfuis
L’ bilan c’est qu’en fin d’ compte il est mort de vieillesse
L’ remords d’avoir tardé me réveill’ tout’ les nuits
N’attends pas n’attends pas n’attends pas
J’ te prêch’ pas d’immoler
Tous les cons d’ ta bourgade
Et encor’ moins d’ bâcler
Réserve tes grenades
Aux salauds installés
Et chiad’ ton embuscade
Ne va pas t’ fair’ gauler
Mais un’ fois qu’ c’est réglé
Pas d’ délai camarade
La vengeanc’ se mang’ froide
Mais non pas surgelée
N’attends pas n’attends pas n’attends pas
Ne t’ force pas à jouer les durs si t’aim’ les baffes
Masochisme ou lâch’té appell’-les donc pardon
Mais n’ te leurr’ pas comm’ moi d’ quelque projet bidon
L’ sang coul’ra l’an prochain escus’ moi si j’ m’esclaffe
Elle est bell’ la chanson du Grand Soir
La rengain’ envoûtant’ des lend’mains
Tous les jours j’ai r’mis d’ vivre à plus tard
En fin d’ compt’ j’ai mêm’ pas eu d’ gamin
Alors môm’ ne m’ suis pas sur ce ch’min
Jouis maint’nant l’av’nir c’est des salades
C’est la lign’ qui tremblot’ sous ta main
L’ pas qui flanch’ mêm’ si t’es pas malade
C’est l’ poids d’ la solitude fade et crade
C’est d’ brûler c’ qu’on croyait adorer
Permets-moi d’ te donner la leçon d’ mes cagades
L’enseign’ment du gourou qui s’est toujours gouré
N’attends pas n’attends pas n’attends pas
Les bêtis’ de Cambrai
Les délic’ de Cocagne
La fill’ qui disparaît
Les amis qui s’éloignent
L’appel de la forêt
L’ascension d’ la montagne
La culture à peu d’ frais
La vengeance en Espagne
Le miracle ou l’ progrès
N’attends ni l’ bien ni l’ vrai
Ou tu l’auras dans l’oigne
N’attends pas n’attends pas n’attends pas
Qui sait si l’occasion négligée s’ retrouv’ra
La vie est longu’ devant mais derrière elle est brève
Tu pensais tout y mettre et voici qu’ell’ s’achève
La jungle de tes rêv‘ s’est muée en Sahara
N’attends pas n’attends pas n’attends pas