À ma dernière heure*
Vous qui fermez les yeux sans un signe d'émoi
Marmoréens dans des draps exemplaires
Qui pensez J'ai vécu C'est bien Oubliez-moi
Je me savais mortel, et nul n'est nécessaire
Vous qui serrez les dents sous les dents du cancer
Derrière un paravent
Vous qui vous assurez le concours d'un notaire
Afin que rien ne cloch' dans votre testament
Votre secret m'échappe...
ou m'est trop familier
À ma dernière heure
Je pourrai pas frimer
À ma dernière heure
Je vais pleurer, hurler
À ma dernière heure...
Et vous, adolescents au visage incertain
Dont on aura tranché le dernier rêve
Pâlots et frissonnants dans le froid du matin
Mais le pas ferme, et un sourire aux lèvres
Vous dont la dignité fait l'unanimité
Des bars et de la presse
Et dont les derniers mots, âprement médités
Sur un fleuve de sang iront à leur adresse...
Quelle indélicatesse
De vous crier Chiqué...
Mais à ma dernière heure
Je pourrai pas penser
À la postérité
À ma dernière heure
Je pourrai pas marcher il faudra me traîner
À ma dernière heure
J' veux étrangler les spectateurs.
Vous qui avant d'ouvrir le robinet du gaz
Collez un grand No smoking à l'entrée
Qui sautez du sixième en criant Je m'écrase
Afin que les passants aient le temps d' se garer
Toi l'épouse accomplie qui mitonn' le dîner
Avant d' te fair' la malle
Et laiss' un mot très digne accusant ta rivale...
Sur la mer de l'oubli vous semblez mal barrés.
À ma dernière heure
J' m'en fous que tout l'mond' pleure
À ma dernière heure
Je veux que tout l' mond' meure
Vous qui vous réveillez dans un lit inconnu
Dans quel hôtel? Au cours de quel voyage?
Ils aèr' pas souvent! Bonjour le rembourrage!
Touchez du bois à gauch', à droit', du bois au d'ssus
Et méprisant l'oeillade insensée de l'espoir
Murmurez Ah les cons
Et refermez les yeux D'ailleurs y a rien à voir
Rien à percer à jour ah vous avez raison
Entre mes quatre planches
Je n'y suis pas encor
Mais nuit et jour j'y pense
Et je crierai si fort
Qu'ell' vol'ront en éclats
Que la terr' s'ouvrira