T'attendre
Le soir après la classe
Aux approch’ de l’été
On traînait sur la place
À rire à comploter
Moi j’ riais pas des masses
Même en p’tit comité
J’ me sentais en disgrâce
En maths et en dictée
Sur les cim’ du Parnasse
J’assurais mais hélas
L’ manuel d’ la puberté
J’ n’en pigeais qu’ la préface
D’autr’ étaient plus futés
Et leurs propos salaces
Ne te laissaient pas d’ glace
Avec quell’ volupté
J’ les aurais déchiqu’tés
Cett’ band’ de dégueulasses
N’ fût-c’ que pour t’épater
Mais d’armement pas trace
Des biceps de limace
Et pas mal de lâch’té
Mieux valait qu’ j’ m’effaçasse
J’allais t’attendre au bout de la jetée
Où jadis mon audace
T’avait fait palpiter
J’allais t’attendre au bout de la jetée
Où mer et ciel s’embrassent
Et ta déloyauté
S’ dissolvait dans l’espace
De quels noms j’ t’ai traitée
Je red’venais loquace
En t’attendant au bout de la jetée
Mais toi spèc’ de grognasse
Tu n’ t’y es jamais pointée
On d’vait passer not’ Bac
Tous deux la même année
Seul’ment t’as pris un’ claque
À forc’ de déconner
Quand j’ suis parti en Fac
C’était moi l’ condamné
Faut pas croir’ que j’ suis braque
J’ pigeais bien les données
Dieu sait qu’ sans t’espionner
J‘ai r’péré plus d’un yack
J’ai surpris plus d’un smack
Tu n’étais qu’un’ traînée
Pour cett’ band’ de macaques
Mêm’ ton PACS avec Jacques
Ne m’a guère étonné
J’ leur laissais ta barbaque
Ton cul et tes nénés
Les mariag’ de morbacs
J’étais pas concerné
Notre chaste hyménée
N’ trempait pas dans c’ cloaque
Nos âm’ prédestinées
S’ retrouv’raient in fine
Et j’ t’attendais au bout de mes journées
Regagnant ma baraque
Au lieu d’aller m’ prom’ner
J’allais t’attendre au bout de mes journées
Tout seul dans mon hamac
La main su’ l‘ combiné
J’en d’venais insomniaque
Quell’ plaint’ ai-je égrenées
En t’ vidant mon cul d’ sac
Quand j’ t’attendais au bout de mes journées
Y avait pas l’ feu au lac
T’as pas téléphoné
J’en vois des qui ricanent
Amoureux éthéré
D’un’ foutue nymphomane
À pein’ de quoi s’ marrer
V’là c’ qu’eût pensé l’ profane
Oh j’ai désespéré
J’ai failli d’venir moine
Et mêm’ me déf’nestrer
Mais t’avais beau t’ vautrer
Dans les plus puant’ boues-vannes
Toujours en filigrane
J’ voyais incarcérée
Ta p’tite âmett’ diaphane
Et pour la délivrer
J’ me suis fait biznessman
Y a pas c’était madré
T’aurais ri d’un brahmane
Mais un’ villa à Cannes
Tu n’ l’aurais pas chambrée
Ta carott’ ma p’tite Anne
J’ai failli la tirer
Mais la maison bourr’man
Avant l’heur’ m’a poiré
J’allais t’attendre au bout d’ mon pré carré
Dans mes plants d’ marie-jeanne
Trimant comme un taré
J’allai t’attendre au bout des simagrées
Quand on m’ mit en cabane
Dans un coin d’ l’îl’ de Ré
C’est pas que j’ te chicane
Mais tu n’ t’y es pas montrée
Fallait-il être insane
Pour n’avoir pas perdu l’ goût d’ respirer
Dans ma p’tit’ caravane
Quand on m’eut libéré
J’ai gratté mes mémoires
On les a dédaignés
J’ les ai r’mis au tiroir
Les ci-d’vant prisonniers
Qui taquin’ l’écritoire
On s’en est trop cogné
Ras-l’ bol d’ leur purgatoire
J’ me suis fait cuisinier
Pour remplir la mangeoire
Et j’ sentais s’esbigner
Ton minois d’ mon histoire
Mais v’là qu’ l’écho d‘ ta gloire
M’a s’coué comme un prunier
Envieux non j’ peux pas l’ croire
Mais amer j’ peux pas l’ nier
À chaqu’ prix qu’ t’as gagné
À chacun d’ tes déboires
J’ t’ai écrit sans signer
Mais c’ coup-ci j’ suis moins couard
C’est que j’ vais m’éloigner
La méd’cin’ me laiss’ choir
Et si c’ n’est qu’un au-r’voir
Il sonn’ comm’ le dernier
Mais j’ t’attendrai en arpentant l’ grenier
Où pour toujours un soir
Nos yeux ont communié
J’irai t’attendre au d’là des portes noires
P‘tit fantôm’ casanier
Dans un coin d’ ta mémoire
Pas mèch’ de s’ résigner
Et peu m’ chaut qu’ell’ soit poire
Ma foi du charbonnier
J’irai t’attendre avec les araignées
Et j’ vibrerai d’espoir
Au fin fond d’ mon charnier