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Le blog de Narcipat

Pour prendre congé

24 Juin 2010 , Rédigé par Narcipat Publié dans #Anecdotiquotidien

     Si Flore ne m’a pas inoculé la méfiance, elle lui a donné droit de cité, en confirmant qu’il ne peut y avoir d’âme-sœur pour moi sans qu’une mégère tire les ficelles : Kapok m’a donc fait tout le mal qu’elle a pu, et il pourrait sembler curieux que je ne lui en veuille pas, comme si c’était de bonne guerre; mais c’est que j’endurerais mal d’être victime, surtout d’un tel être. Notez tout de même qu’elle avait poussé la blague un peu loin, puisqu’elle envisageait de promener son personnage de clinique en clinique, puis de le faire trépasser, pour me briser le cœur, me supposant amoureux d’une fille que je n’avais jamais vue! La récidive justifiait un minimum de représailles, lesquelles avaient du reste une fonction vérificatoire. Comme donc “Zigatine” m’annonçait qu’ayant des examens à passer, et soucieuse de ne pas s’en distraire, elle ferait silence quelque temps, je lui expédiai une Épitre à Carabosse [1], portrait vachard et véridique de Kapok rédigé lors de notre rupture, et que j’avais fourré au tiroir sans nulle intention de l’en sortir. Excellent échantillon, soit dit en passant, de pseudo-agressivité narcipathologique, qui serait tout à fait à sa place dans ce blog, si j’escomptais encore un lectorat, car en écrabouillant cette pauvre femme, c’était surtout moi-même que je piétinais, de n’intéresser au monde que la dernière des dernières.

     Elle a tenu exactement quatre jours : le 30 mai, alors que nous n’avions eu ombre de contact depuis trois ans, je recevais d’elle deux lignes directes, me sommant de lui faire signe “même entièrement négatif” : pourquoi pas, si elle avait changé au point de s’interroger sur son propre narcissisme pathologique? Mais à condition qu’elle confessât son imposture et assumât la lecture de mon brûlot; or c’est à quoi elle s’est mordicus refusée. Des aveux ou rien? Eh bien, rien – mais que je lui donnasse, au moins, l’adresse de ce blog, qu’elle prétendait ne pas connaître, et désirer lire : je m’exécutai, curieux de vérifier si elle aurait au moins la cautèle élémentaire de visiter assez d’articles pour donner corps à ses allégations; or, les stats sont formelles : après un léger frémissement le 31, la fréquentation est retombée à son lamentable niveau antérieur. Ce qui ne prouve pas sans réplique que Zigatine = Kapok, mais bien que cette dernière, au cas où elle n’aurait pas créé de nouvel avatar, est demeurée infréquentable : c’est trop dire, en effet, qu’elle s’intéresse à moi ou à ce que je suis susceptible d’écrire, car elle est exclusivement captivée par son nombril. Ce qui la fait si sotte, ce n’est pas quelque embarras de cervelle inné, mais cette focalisation irrémédiable, non sur la connaissance de soi, qu’elle fuit comme la peste, mais sur le spectacle qu’elle donne, d’une lourdeur d’enclume, et qui devrait avoir lassé tous les spectateurs. Je mettrais ma main au feu que si elle a tenu à court-circuiter Zigatine, c’est parce que je faisais une allusion dans l’Épître à ses ridicules débuts dans le septième art, et qu’elle voulait m’inviter à constater via Gogol qu’elle avait joué un vrai rôle dans un vrai film.

     Quand je me stigmatise d’être indifférent aux tribulations des autres, à leurs pompes et à leurs œuvres, je ne puis oublier un instant que les autres m’ont toujours rendu cette indifférence au décuple, que je suis plus curieux d’eux qu’ils ne le sont de moi, et qu’au moins je les lis, quand ils sont lisibles, plus qu’ils ne me lisent. En prenant une Kapok pour référence, j’en viendrais à me considérer comme le moins narcipat des hommes, ou peu s’en faut. Et si je vis dans l’irréel, que dire alors d’une femme infichue, après plus de mille jours de silence, d’attendre une semaine pour réagir à un pamphlet qui la blesse, et capable de se dire que ça passera pour coïncidence, voire que je vais précisément l’avaler parce que c’est trop gros? Il est vrai que je me trompe très fréquemment, dans le sens de la paranoïa, non que je me croie persécuté, ou spécialement visé en quelque manière, mais par rage de mettre du sens dans ce qui en est souvent dépourvu, substituant des intentions perverses à la simple inadvertance, par exemple, et d’une manière générale, mettant les flèches entre des éléments séparés, pour satisfaire au même fantasme de cohérence, d’unité, qui m’anime, quand je cherche la vérité sur moi-même. Indice d’oralité? Comprendre, pour moi, s’entend quasiment au sens étymologique, et il faut bien convenir que les rapports que j’établis, touchant les actes et propos d’autrui, du moins, sont rarement les bons – à supposer qu’on puisse procéder à une vérification. Mais je n’ai pas le sentiment que mon appréciation des probas, elle, soit complètement déjantée. Vraiment pas mon genre, pour un rêve prémonitoire sur cent ou mille, d’aller conclure qu’ils le sont tous!

     Alors, oui, la coïncidence est possible; mais suprêmement improbable. Et le fait que la seule interlocutrice qu’ait trouvée ce blog en presque un an soit selon toute apparence un personnage de fiction – mal inventé, de surcroît – lui porte le coup de grâce (au blog, s’entend). Le moindre paradoxe – noté par Z-K – n’étant pas, d’ailleurs, de m’adresser aux narcisses, et de ne trouver personne, non pas parce qu’ils manquent, mais parce qu’ils surabondent. Certes, Kapok aurait beau jeu de me répliquer que si elle n’a caressé des yeux qu’une quinzaine d’articles de Narcipat tout au plus, c’est qu’ils sont indigestes et chiants : apparemment, c’est l’avis général, puisqu’il est rarissime qu’on pousse bien loin les explorations, et que les seuls commentaires sont captieux et/ou bidons. Mais je n’en suis pas à mon coup d’essai, et s’il est une loi générale à formuler, c’est que je n’ai jamais trouvé de lecteurs durables, sur quelque sujet que ce soit, que ceux que j’étais allé au préalable chercher chez eux, et qui renvoyaient l’ascenseur. Or je n’en ai plus la patience : il me reste trop court de vie pour chercher un homme – ou une femme – la lanterne à la main, en fouillant les tombereaux de sottises du Ouaibe. L’enfermement, le repli sur soi, bien qu’il m’épouvante de l’envisager définitif – et surtout, horreur! si la mort physique le perpétue et l’aggrave, comme dans mes cauchemars – semble décidément la “moins pire” des solutions. Bouclons donc bien l’huis sur nous. Kapok, avec sa laideur, sa psychorigidité et son manque d’écoute, aura réussi à me désenchanter toute âme-sœur possible; mais Kapok, c’est à peu près tout le monde. Merde à tous, donc, en guise d’adieu. Allons en ouvrir un autre, et y conter des salades : elles auront plus de succès que la vérité. [2]

 

[1] Déposée ici en attendant relecture. Peut-être ce que j’ai écrit de plus rosse, et l'adjectif est indulgent. Mais je crains que du point de vue de Dieu tous mes écrits ne s'étagent sur l'ubac du Mal.

 

[2] Ce “merde à tous” en guise d'adieu a retenti périodiquement pendant les huit ans qui séparent cet article de la présente note : le dernier date d'une semaine à peine (15 mars 2018) et se veut définitif, comme tous les précédents. J'ai consacré des milliers de pages à la narcipathologie, mais je doute d'avoir suffisamment exploré ses rapports avec la répétition.

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Z
<br /> <br /> aie aie aie, il y a des moments ou on a envie de s'arracher les cheveux... je ne suis pas la vieille cruche dont tu parles!!!! te si elle t'a recontacté comme par miracle, 4 jours apres ton<br /> dernier mail, et bien c'est un miracle...Ou une plaie, comme tu voudras. C'est quand même incroyablement con, de trouver chacun en l'autre, un début de ce qu'il attendait, et d'être<br /> court-circuité par le fantôme d'une vieille que je ne connais pas, soit dit en passant bien piètre poète. A bon entendeur....<br /> <br /> <br /> <br />
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