Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Narcipat

Non explicit mysterium

6 Août 2010 , Rédigé par Narcipat Publié dans #Anecdotiquotidien

     Laissons en place, vérité oblige, cet adieu de théâtre, ce “Merde à tous” secrètement rageur. Et lâchons les deux blogs où je “contais des salades”, le premier avec un très relatif succès, mais sous le déguisement d’une jolie fille à l’encan, d’où érosion très rapide du plaisir, le second dans le silence le plus entier : celui-là conservant quelques données brutes, comme mon âge réel, mais taisant la narcipathologie, et ne s’en trouvant pas mieux. Qu’on appelle ou non au débat théorique, qu’on se présente comme un saint ou comme un monstre, il me semble que le fait seul d’être un vieillard (selon d’état-civil, du moins) implique une condamnation sans appel. C’est assez dire que je reprends la charrue sans espoir excessif d’écho, mais je me cogne à une telle impasse que je ne vois rien d’autre à faire. Rien de rien. Alors…

     L’affaire K/Z a connu un dénouement-effilochage qui n’a même pas l’attrait de la nouveauté, puisque neuf filles sur dix s’éloignent sans s’expliquer : moins de fatigue, et moins de risque! Comme je n’avais aucun appétit pour la poursuite d’une correspondance avec une marionnette, j’ai sommé Oups-Zigatine-Anto de m’envoyer sa photo, en respectant quelques consignes, histoire que Kapok n’aille pas glaner quelque mignon minois sur la toile. Et le surprenant, c’est que cette photo, dans les deux jours, je l’ai reçue! – ayant préalablement expédié la mienne, ce qui corserait plutôt la surprise… Un joli demi-visage, un regard sombre et assez fascinant, qui me rappelle celui de Musidora (la première “vamp”), la partie sud étant dissimulée “par précaution”: nez patatoïdal? Menton disgracieux? Pinaillerie d’arrière-garde. Ce qui importait, c’est d’avoir affaire à une être humaine à part entière : je n’imaginais pas Kapok assez éhontée pour faire appel à de la main-d’œuvre extérieure, ni même disposant d’une amie jeune et belle pour lui rendre ce service. Ou plutôt, je m’en foutais pas mal, m’étant simplement donné le droit de rêver un peu, dès lors que ma modeste exigence avait été prise en considération. Par retour j’expédiai donc le poulet prosterné ci-dessous :

     « Juste parce que la consultation de GMail ne demandait que deux secondes, au saut du lit, entre café et créa… Stupéfait, jdoâ l’avouer. J’avais tellement bien arrangé ma petite histoire. Pas une faille dans la grisaille, pas une bavure dans la saumure, tout collait impec. Et puis, cet arc-en-ciel qui fait de la charpie de mon petit monde! Pas absolument impossible que Kapok ait recruté une vamp via sa fille ou ses potes dans les milieux du cinoche, mais je refuse de pourcenter ce misérable lambeau de doute. Trop heureux de croire. Qu’ai-je à y perdre, d’ailleurs, au regard du gain? Bonheur, souffrance, tout est bon pour redonner des couleurs à un semi-cadavre. Merci, si sot que ça sonne, d’exister vraiment. Merci d’avoir condescendu à déférer à ma demande. Dieu, Lui, n’a jamais eu cette complaisance, ou seulement du bout des lèvres. Je me sens porté par un tel élan de réconciliation que bien cap’, lorsque tu m’auras laissé choir, de reprendre contact avec cette pauvre Kapok, ne serait-ce que pour lui présenter des excuses, qui me seront facilitées par l’élimination du fond de rosserie de l’Épître. Heureusement que je n’ai pas cédé à la tentation de la mettre en ligne. [1]

     Bien sûr, tu peux t’amuser un instant, c’est de bonne guerre, à nous la jouer humiliation ou irritation d’avoir “obéi aux ordres” (avec les bémols de rigueur), c’est ton droit de nous égarer sciemment dans quelques fausses pistes, après celle où je me suis enfourné malgré moi. Mais à moins d’un menton Averell-Daltonien ou d’une bouche rongée par un chancre abominable, tu dois avoir trop l’habitude de faire marcher les mecs à la baguette pour te repaître bien longtemps de cette mortification-bidon. Qu’il soit donc bien entendu que je suis ton esclave (insolent à l’occasion, rassure-toi), qu’à l’heure qui sonne rien n’est plus précieux dans ma vie que notre dialogue (la voisine ne fait pas le poids!!), et que je suis un narcipat suffisamment guéri par l’âge ou l’auto-analyse pour ne même pas rêver de la réciproque, ou pour rabrouer ce rêve dès sa percée. D’ailleurs, te rencontrer (sauf pour un suicide à deux places, au cas où tu choperais une maladie incurable) me ferait PEUR. Sois certaine que je ne te demanderai plus rien, que des confidences, de la transparence et de la lucidité. Que nous parvenions un jour à nous parler (à nous écrire, s’entend) l’un à l’autre avec la même sincérité qu’à nous-mêmes, ce serait déjà merveilleux : avec personne je n’ai réussi, les ruptures sont toujours survenues avant. Mais il faut dire que la frime du flirt s’interposait fréquemment : la vérité compose mal avec le désir, et il faut se situer résolument au-delà du lit pour oser s’exhiber tel quel. N.B. toutefois qu’il n’y a pas une ligne mensongère dans mon blog : seulement quelques omissions, pour n’être pas reconnu, et exagérations, parce que pour moi penser et exagérer ne font qu’un : je suis brouillé avec la nuance, par grand’peur peut-être qu’elle n’échappe à un public potentiel, et ne me soit pas comptée

     Je ne devrais pas tant m’étonner de te découvrir si agréable à regarder, et, d’une manière générale, de l’association du narcissisme avec la beauté, puisque c’en est l’idée reçue la plus répandue : « Ah que je ris de me voir si belle en ce miroir… » Mais pour moi, dont le self grandiose s’est (probablement) bâti en réaction contre un rejet, rejet très tôt imputé à ma laideur, rien ne peut paraître plus énigmatique ou plus miraculeux que des affinités entre êtres qui partent apparemment des deux bords opposés de l’univers. Admettons que la blessure narcissique soit la même, de s’offrir et d’être jeté, la simple probabilité comparée du rejet semblerait suffire à expliquer que je sois inhibé, et toi non. Du pain sur la planche! Je ne sais vraiment pas par où commencer… Assez niaisement je t’imagine quelques heures par jour au miroir, comme le Grec devant sa mare, plus œuvre d’art qu’artiste (N.B. tout de même que, déjà infidèle à la ligne de ne rien demander tracée il n’y a pas cinq minutes, j’aimerais avoir un jour un aperçu de ta production… mais rien ne presse, car la trouille m’étreint de la trouver moche, ce que tu ne me pardonnerais pas) et grande adepte de l’autoportrait. Le “pat” de “narci”, la totale dépendance du regard de l’autre, ne semble pas, à première vue, pouvoir concerner celui qui peut se repaître quiètement de sa propre image. Mais celui-là n’est-il pas mythique? Et n’est-il pas stupide de raisonner ainsi : « Que lui manque-t-il donc, puisqu’elle a ce qui me manque? » À suivre… et prière de ne pas considérer ce paragraphe comme une simple variation sur le thème « T’as de beaux yeux tu sais »! Mais je reconnais d’emblée que le fait que tu sois éminemment désirable déstabilise bigrement la quête de la vérité, même si je me répète comme un mantra que tu as l’âge d’être ma fille, voire ma petite-fille si j’avais été aussi précoce que toi.

     À présent qu’elle émane d’un être authentique, je serais tout à fait preneur de ta tartine d’autobio, corrigée ou non. Que tu prennes quelques précautions, je peux le comprendre, encore que je voie mal en quoi je pourrais te nuire, quand j’en aurais la moindre velléité. Dérangé? sans doute, mais pas dangereux, because inhib. Du reste, ce “dérangement” mériterait d’être un peu développé, sur la base du crédible. Que je me sois fourré le doigt dans l’œil pour cacher que je n’étais pas borgne, ou aie inventé Kapok en guise de “photo souhaitée”, voilà qui paraît trop tordu pour être sincèrement cru! Mais bon : à part l’identité de la mémère, je peux te communiquer toutes les preuves que tu souhaiterais, à commencer par 250 A4 de correspondance avec Flore, passablement fastidieuse pour un tiers, et qu’en aucun cas je n’aurais pu rédiger seul. 

     Par où commencer? On vacille au bord non pas de l’infini, mais de la totalité. Au surplus l’émotion me fait perdre un peu la boule. Je doute fort de revenir sereinement au roman en cours, qui me semble tout à coup dénué de tout intérêt, et redoute fort, dès à présent, les délais. N’importe, on fera avec. Attaquons par la bande : est-ce que l’auto-contemplation par le biais de nos biens rend tout à fait compte de la rage du rangement et de l’obsession de la composition? Que j’aime ranger chez les autres ne s’inscrit pas en faux, puisqu’intimement je m’approprie ce que je redispose. Mais j’ai connu quelques narcipats assez bordéliques, et le suis assez moi-même dans l’antre où je passe vingt-deux heures par jour, et où nul n’est appelé à mettre les pieds : l’ordre implacable (ou le désordre travaillé) d’un décor de théâtre est plutôt réservé chez moi aux pièces de parade – lesquelles du reste ne reçoivent guère plus de visites que mon pensoir. En fait tout chez moi est perverti par le “spectacularisme”, il faut que je me fasse autre pour m’observer – ou me contempler, même par le canal des dos d’une bibli.

     À te lire, déjà trop chère X. Un petit prénom, même fictif (il ne le serait pas vraiment, puisque tu l’aurais choisi) ne ferait pas mal dans le tableau : “Zigatine”, mi-clownesque, mi-culinaire, convient davantage à des badinages qu’au sérieux d’une recherche duelle et dialectique, et “Anto” sonne un peu trop mâle pour mon goût. Tu ne vas tout de même pas me laisser te baptiser à ma convenance! Intolérable abus de pouvoir!

     Bisous au visible. »

      Et à demain les commentaires!

 

 

[1] C'est tout de même suite à d'autres agressions que j'ai fini par le faire – crois-je, du moins, me rappeler.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article