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Le blog de Narcipat

La personnalité narcissique, XIV

11 Octobre 2010 , Rédigé par Narcipat Publié dans #Voix Autorisées (cum commento) : Otto Kernberg

LES PROBLÈMES CLINIQUES

 

[Positions divergentes de quelques auteurs, dont Kohut, qui sera à l’honneur ensuite.]

 

A. CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES DE LA PERSONNALITÉ NARCISSIQUE

 

     Sur les caractéristiques cliniques, il existe un accord entre le point de vue de Kohut, celui des autres auteurs que j’ai mentionnés dont le point de vue est différent, et moi-même. Je parle de patients avec une personnalité narcissique, lorsqu’ils présentent une préoccupation excessive de soi, coïncidant habituellement en surface avec une adaptation sociale uniforme et efficace, mais avec de graves distorsions dans leurs relations internes aux autres. Ils présentent, en des combinaisons variables, une grande ambition, des fantasmes grandioses, des sentiments d’infériorité, et une extrême dépendance à l’égard de l’admiration et des louanges extérieures. Au milieu de leurs sentiments d’ennui et de vide, de leurs recherches constantes à [sic] obtenir que leurs besoins de briller, d’être riche, puissant et beau, soient satisfaits, on trouve des déficiences graves dans leurs capacités d’amour et de sollicitude. Cette incapacité à une compréhension empathique des autres est souvent surprenante lorsqu’on considère leur adaptation sociale apparemment correcte. Une incertitude et une insatisfaction permanentes sur eux-mêmes, leur manière consciente ou inconsciente d’exploiter ou de maltraiter les autres, sont aussi caractéristiques. Une des différences qui existent entre ma description et celle de Kohut est peut-être que j’insiste sur la nature pathologique de leurs relations d’objet internalisées, sans me soucier de l’adaptation superficielle de la conduite d’un grand nombre de ces patients. De plus, je note qu’il existe une envie permanente et intense et des défenses contre cette envie, en particulier la dévalorisation, le contrôle omnipotent, le retrait narcissique qui sont des caractéristiques majeures de leur vie affective. [L’envie m’apparaît de plus en plus comme une réponse au néant du désir propre (celui d’être mis à part) et corrélativement à l’absence de tout système de valeurs fixe : pour que nous désirions quoi que ce soit, il faut que l’autre le possède ou le prise : alors, on commence à trier, dévalorisant (avec un succès inégal en profondeur) à peu près tout ce à quoi l’on ne peut atteindre, et, pour le peu qu’on laisse debout, se fixant simplement l’objectif de faire mieux.]

 

B. LA RELATION ENTRE PERSONNALITÉ NARCISSIQUE, ÉTAT LIMITE ET PSYCHOSE

 

     Sur ce point, il existe d’importantes différences entre ma position et celle de Kohut. Celui-ci distingue les troubles narcissiques de la personnalité des psychoses et des états limites, mais ne fait pas une distinction claire entre “cas limites” et schizophrénie. Selon mon point de vue, en revanche, l’organisation des personnalités narcissiques à la fois ressemble de façon frappante et diffère d’une manière spécifique de l’organisation limite de la personnalité, et c’est ce que je décrirai ci-dessous. Contrairement aux vues de Kohut, je vois d’importantes différences structurelles entre l’organisation limite de la personnalité et les structures psychotiques, et je n’écarterai pas la psychanalyse comme traitement de choix de certains de ces patients.

 

     La similitude entre l’organisation défensive des personnalités narcissiques et celle des états limites se traduit par la prédominance des mécanismes de clivage et de dissociation primitive tels qu’ils se reflètent dans la présence d’états du moi, clivés ou dissociés. Ainsi un sentiment de grandeur hautaine, de timidité, et des sentiments d’infériorité peuvent coexister sans s’affecter les uns les autres. [Il te plaît à dire, ô gourou! Moi, j’éprouve qu’ils s’affectent fichtrement : il ne va pas du tout de soi de se penser à la fois comme un génie potentiel et comme le dernier des imbéciles, et tu me sembles sous-estimer le malaise d’osciller continuellement de l’un à l’autre, ou la difficulté de se servir du second comme socle du premier. La vérité est dans les yeux de l’Autre, mais d’un Autre en quelque sorte parfait (pèrmère idéal, soit), qui consentirait d’abord à nous écouter, et qui opérerait cette synthèse qui est hors de ma portée, mais que je ne renonce pas à atteindre un jour. Encore un “clivage”, si l’on veut, mais il me semble être moins “clivé” que le pékin qui croit au Destin sans croire en Dieu, ou qui “écrit pour lui” tout en donnant à lire la moindre crocrotte, ou qui nourrit sur sa propre importance des illusions que le simple examen des faits devrait dissiper. Incertitude n’est pas clivage. Il est vrai que j’en retrouve un fondamental entre l’aspiration à me laisser aller, à être aimé “sans raison”, et mon raidissement dans la revendication d’une estime, mieux dire d’une admiration sur pièces, qui pourrait bien relever du faux self. Mais cette contradiction-là, je ne la prends pas non plus avec équanimité.] Les opérations de clivage sont maintenues et renforcées par les formes primitives de projection, en particulier l’identification projective [T’auras beau dire, elle est quand même aussi (et surtout?) un outil, que rien ne distingue clairement de ta fichue empathie, du moins sous le rapport de la connaissance.], l’idéalisation primitive et pathologique [Naturellement, remettre ses vieux, une fois trépassés, sur l’autel, n’a rien de primitif ou de pathologique, puisque tout le monde le fait! Désolé, mais si j’idéalise, c’est seulement Celle qui n’est pas encore venue… et ne viendra pas.], le contrôle omnipotent [On en voit le tuf, même si l’impression qu’on veut en donner aux autres est largement responsable de l’inhibition.], le retrait narcissique et la dévalorisation. D’un point de vue dynamique, la condensation pathologique des besoins génitaux et prégénitaux sous l’influence envahissante de l’agressivité prégénitale (en particulier orale) caractérise les personnalités narcissiques aussi bien que l’organisation limite de la personnalité en général. À cet égard, il est intéressant que Kohut reconnaisse la présence d’“aspects conscients mais scindés du sentiment de grandeur” et qu’il décrive en détail “l’existence côte à côte d’attitudes disparates de la personnalité en profondeur” et le besoin de l’analyste de relier le secteur central de la personnalité au secteur clivé. En pratique donc, Kohut reconnaît que dans l’organisation défensive, le clivage est le mécanisme prédominant [Il est bien bizarre que je ne m’en accommode pas, et que la quête d’une synthèse exhaustive de l’ego, inséparable de l’écriture dès ses premiers balbutiements, soit devenue quasiment la seule entreprise de mon reste-de-vie! Serait-ce ma part saine??] quoiqu’il ne relie pas ceci aux vicissitudes particulières du développement structurel du moi.

 

     La différence entre la structure narcissique et l’organisation limite de la personnalité est que, dans la personnalité narcissique, il y a un soi grandiose intégré, quoique hautement pathologique, qui, comme je l’ai suggéré précédemment, traduit une condensation pathologique de certains aspects du soi véritable (la “particularité” de l’enfant, renforcée par l’expérience précoce), du soi idéal (les fantasmes et les images de soi, de puissance, de richesse, d’omniscience et de beauté qui pour le petit enfant remplacent l’expérience de frustration orale grave, de rage et d’envie) et de l’objet idéal (le fantasme d’un parent qui toujours donne, toujours aime, toujours accepte, contrairement à l’expérience de l’enfant dans la réalité; un remplacement de l’objet parental véritable dévalorisé). [Et dévalorisé définitivement, quoi qu’il donne ou qu’il accepte! Il me semble qu’un point essentiel est ici passé sous silence, le nécessaire aval du parent de remplacement par une autorité supérieure (Dieu, la vox populi) médiatisée par l’objet-narcipat lui-même : totalement impossible de se satisfaire d’un souffre-douleur ou d’une esclave domestique qui vous passerait tout et baiserait vos méchants petits poings avec des « Encore, encore! », si elle est moche et bête, donc si son opinion est sans valeur. Il se peut que la “frustration orale grave” soit initialement matérielle mais elle prend très vite un sens narcissique, et ne le lâchera plus : si l’on donne à un autre ma part de lolo, de nichon et de caresses, c’est qu’on me juge inférieur : ce qui est vital, ce n’est pas d’obtenir du rab, mais de contester le juge, au nom de l’omnipotence du moi dans un premier temps, mais nécessairement ensuite, à moins de devenir tout à fait fou, au nom de valeurs générales dont la collectivité (le Père s’avérant à son tour à la fois rejetant et déficient) est porteuse, même si personne ne se présente pour les incarner correctement. « Ma Maman est une maman comm’ tout’ les mamans mais voilà, c’est la Mieenne » (qui marque déjà une relativisation) ne peut plus suffire au narcipat, plus jamais, même si la solitude est parfois pénible, et si l’on est prêt à tripatouiller le réel et à oublier l’évidente indignité de celle qui veut bien de nous.]  J’adopte ici le terme de “soi grandiose” proposé par Kohut parce que je pense qu’il exprime bien les conséquences cliniques de ce à quoi j’ai précédemment fait référence comme étant la structure pathologique du soi ou de ce que Rosenfeld a appelé le soi “follement omnipotent”. L’intégration de ce soi pathologique grandiose remplace le manque d’intégration du concept de soi normal qui fait partie de l’organisation limite de la personnalité sous-jacente : ceci explique le paradoxe d’un fonctionnement du moi relativement bon ainsi que l’adaptation de surface, malgré la prédominance de mécanismes de clivage, d’une constellation de défenses primitives et du manque d’intégration des représentations d’objet chez les patients. Ce soi pathologique grandiose se traduit par des caractéristiques qui, comme on l’a mentionné ci-dessus, coïncident très bien avec les observations de tous les auteurs cités. Toutefois, il existe un désaccord fondamental entre les vues de Kohut et les miennes à propos de l’origine de ce soi grandiose : reflète-t-il la fixation d’un soi primitif archaïque “normal” (point de vue de Kohut), reflète-t-il une structure pathologique, nettement différente du narcissisme infantile (mon point de vue)?

 
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