Malgré le temps...**
J’ai voulu r’voir Clara
J’ai cliqué sur Fac’book
Seigneur quel putain d’ look
Pas d’main qu’on m’y r’prendra
J’ m’étais fait un laïus
Sur les neiges d’antan
J’attendais pas l’ printemps
Au bord du terminus
Mais là c’est accablant
L’étincell’ dans son œil
Son p’tit air insolent
Il faut en fair’ son deuil
Oh la vision fut brève
Cett gross’ vach’ s’effac’ra
Au profit d’ la Clara
Que j’ retrouv’ dans mes rêves
S’ frapper d’un nevermore
J’admets qu’ c’est pas sérieux
Tous mes copains sont vieux
Y en a mêm’ kekzuns d’ morts
Quant à mon cas j’ l’élude
L’ miroir d’ la sall’ de bains
Poli par l’habitude
Me grime en chérubin
Mais quand j’ vis’ ma bobine
Mes rid’ et mes ch’veux blancs
En longeant un’ vitrine
J’ me dis quel est-c’ croulant
J’ me suis jamais cru beau
Alors pourquoi m’en faire
Faut croir’ qu’ l’espoir de plaire
Palpitait dans c’ tombeau
C’ coup-ci c’est bien fini
Oui répèt’ le bien fort
Bien maboul est qui l’ nie
Laid plus blet égal’ mort
N’empêch’ qu’à l’intérieur c’est un aut’ paysage
Et que l’ défunt persiste à attend’ la fiancée
Comment donc le conçois-je
Qu’ell’ recul’ pas d’horreur j’ pourrais guèr’ qu’ la masser
Mais j’ai beau m’ le r’ssasser ça n’ me fait pas d’usage
Moi j’ vous l’ dis faut pas croire aux portraits des vieux sages
J’ dout’ qu’un seul habit’ l’âg’ que que lui donn’ son visage
J’ suis plus jeun’ que jamais et j’ piss’ sur le passé
J’ai l’impression qu’ c’est d’main qu’ la vie va commencer
C’ que faisais à vingt ans
C’est pas qu’ ça m’effarouche
Mais quand j’en fais autant
Après faut que j’ me couche
L’escalier j’ le descends
Quatr’ à quat’ sans problème
Oui mais en l’ gravissant
Pieds en plomb dès l’ sixième
L’aut’ jour j’ m’off’ des vacances
Cinquant’ born’ sac au dos
Et j’ me r’trouve aux urgences
Dès l’ début d’ la rando
Moi qui vis comme un ours
Ça m’ fait claquer des dents
L’idée d’êt’ dépendant
D’ quelqu’un pour fair’ mes courses
Quand j’ dis claquer des dents
C’est plutôt des gencives
Je manque un peu d’ mordant
Et c’ qui s’ mâch’ je m’en prive
Comme il faut les pisser
Je ne bois plus qu’ des gouttes
Et n’ sors guèr’ car je r’doute
D’ m’éloigner des vécés
Les couleurs font d’ la soupe
Et les sons d’ la potée
Faut tout fair’ répéter
Et j’ peux plus lir’ sans loupe
Surdité cécité
Qui s’ point’ra la première
Peut-êt’ qu’un outsider
Va les court-circuiter.
Ce bobo persistant
J’ pens’ pas qu’ ce soit la grippe
J’ crains fort qu’il n’ soit plus temps
D’ freiner un peu la pipe
Quand j’ pens’ que j’ m’étais dit dans les années rebelles
Que j’ vivrais pas assez pour souffler trent’ bougies
J’en vois trente-six chandelles
Passer l’ cap d’ l’an 2000 m’a mêm’ pas assagi
Mon foie et mes rognons mon cœur mes animelles
Ont mis un pied ou deux déjà dans l’ici-gît
Et pourtant c’est marrant ça m’ paraît irréel
J’ n’arriv’ pas à chanter l’air de la nostalgie
J’ sais qu’ mes jours sont comptés et j’ me crois éternel
Un détail farfelu
À la pag’ trois cent treize
Me fich’ comme un malaise
Mais ça j’ l’ai déjà lu
Encor’ m’en aperçois-je
Mais j’ pense qu’il y a des coups
Où j’ me r’tape tout l’ouvrage
Sans qu’il me crie Cass’-cou
Ça m’ faich’ que ma mémoire
Fuie comm’ ça par mill’ trous
Elle a tout d’ l’écumoire
Ell’ patin’ des quat’ roues
J’oublie les noms les gueules
J’ reconnais plus les gens
Il y en a qui m’en veulent
Ils trouv’ ça outrageant
Je me lèv’ pour faire un truc
Et à pein’ je suis d’bout
J’ rest’ là comme un trouduc
Le truc a mis les bouts
C’ matin voilà que j’ sème
L’ chiff’ de la carte bleue
Là ça d’vient scandaleux
Il y a quinze ans qu’ c’est l’ même
J’étais pas un caïd
Mais j’ me f’sais écouter
À présent j’ cause’ dans l’ vide
Et j’ crains bien d’ radoter
J’ me dis qu’ je s’rais ravi
D’avoir une idée neuve
Et j’ chang’ jamais d’avis
Apprendre est une épreuve
Y a plus d’ jus dans l’agrume
Est-c’ que l’ moment est v’nu
D’ sauter dans l’inconnu
Avant d’ virer légume
Jadis quand j’écoutais s’envoler ma grand-mère
Sur l’ail’ de l’Alzheimer dans ses divagations
J’ pensais moi pas question
J’ trouv’rai bien un’ sortie avant d’êt’ trop-génaire
Et v’là qu’ mon tour est v’nu d’ jouer les prolongations
C’est pas qu’ j’aie peur à c’ point d’un mal imaginaire
Mais suis-je en droit d’ n’attend’ que des dégradations
J’ me sens pas assez mûr pour la résignation
J’ n’ai rien fait jusque là eh c’est qu’ tout est à faire
N’est-c’ pas d’main qu’ va s’ pointer la pensée qui libère
N’est-c’ pas d’main qu’ nous allons trouver la solution