L'auberge**
C'est un calme recoin où ricane un ruisseau
Que des bosquets fleuris ombragent de fragrances
L'auberge est couchée là dans un lit d'innocence
À l'entrée du cul d'sac y a un vaste écriteau
“Repas d' cinq à dix sacs, cadre exquis, chaude ambiance
V'nez nombreux, on rira” mais y a pas d'cuistot
Pas d' maît' d'hôtel pas d' marmiton et pas d' bouff'tance
Pas d' gérant j' suis mon maître et quand vienn' les gogos
Je les tue
Sans leur poser d' question sans leur laisser un' chance
Je les tue
Je les tue tous
sans fair' de différence.
Jeun's ou vieux trist' ou gais maigrichons ou gros lards
Grands penseurs p'tits connards chouett' nanas moll' mémés
Mêm' les chiens pas d' jaloux i pass't à l'abattoir
J'ai même équarri hier un car de flics entier
Ce fut dur mais j'étais satisfait d' ma journée
Et les infirm' les femm' enceint' et les moutards
Les petit' fill' en ros' qui cramponn' leur poupée
Sans égard pour leurs cris leurs pleurs leur clair regard
Je les tue
D' tout' façon i fallait qu'ils y pass' tôt ou tard
Je les tue
Je les tue tous
et j' les mets au saloir.
Question fric pas à s' plaind' c'est une affair' pépère
Pas d'impôts pas d'patente et pas d' réclamations
Je revends les bagnol' et j'empoch' le billon
Les fringu' et les joujoux j' les donne à l'abbé Pierre
Et avec la bidoch' je nourris mes cochons
Mais l'appât du bénef n'est pas l' nerf de ma guerre
Y a des jobs moins crevants pour gagner son croûton
Si j'ai choisi çui-là c'est qu' j'ai la vocation.
Si j' les tue
Au lieu d' fair' des chansons ou d' cultiver la terre
Si j' les tue
Si j' les tue tous
c'est qu' c'est ça que j' préfère.
Faut dir' que mon enfanc' fut plutôt dégueulasse
Les bonn' fées n'se sont pas penchées sur mon berceau
J' me sens un peu à part des joies d' la populace
Quand y a pas d' client je canard' les oiseaux
Quand j' vois un vas' fêlé i faut que j' le fracasse
Tout c' qui vit tout c' qu'est beau i m' semb' que ça m'encrasse
Une idée un amour ou un air de banjo
Et ça m' soulage un max d'l'envoyer au tombeau.
Et je tue
C'est ma manièr' d' régler les problèm' qui m' dépassent
Et je tue
J' tue tout c' que j' vois
mais j'ai la vue si basse...
L'ennui c'est qu'on peut pas s' refiler mon adresse
Je rest' parfois des mois entiers sans tuer un chat
Et bien des philanthrop' enfonc' mes résultats
J' suis plein d' mauvais vouloir mais là où le bât blesse
C'est qu' j'ai tué tout moyen d'accomplir des prouesses
I m' faudrait des complic' i faudrait qu' j'aie la foi
J' suis qu'un roquet haineux qui fait gémir sa laisse
J' peux mêm' pas étouffer l' feu qui vacille en moi.
Je me tue
Tant que j' peux, mais à cett' vitess' là
j' vais mourir de vieillesse...