Chant du départ**
N'en as-tu pas assez, Camarade inconnu
Des routes engorgées au moment des vacances
Côté mer côté ski côté obéissance
De ta tête farcie de calculs et de cul?
De t'ennuyer en toi comme en un film trop vu
Du roug' aux ong' des pieds du sourir' de la France
Du guignol des partis d'voter pour des vendus
Et d' voir que plus ça change et plus que ça r'commence?
Ras l' bol des vieux d' la Résistance
Des cossus des connards des corrompus
Ras l' bol de la désespérance
De cett' fin d' siècle qui n'en finit plus!
Ras l'bol du vieux monde
Camarade!
Puisqu'il veut pas changer
Laissons-le là
Viens avec nous
Aux Kerguélen!
Viens, notre vieux rafiot
Aujourdhui appareille
Le vent et les oiseaux
Nous soufflent à l'oreille:
Ras l'bol du vieux monde
Camarades!
Puisqu'il veut pas changer
Laissons-le là
Partons ensemble
Aux Kerguélen!
Quand on regard' leurs yachts dans les ports de plaisance
Quand on long' la muraill' de leurs propriétés
Quand on distingue au loin l'écho de leurs bombances
Et la droit' qui revient sous l' nom d' modernité
Nous on s' croit purs et durs parc' qu'on n'a pas d' salon
Mais nos petits souv'nirs faut voir qu'on les caresse
Et les chômeurs les vieux les victim' d' la séch'resse
On n'a pas l'impression d' leur bouffer leurs rations
Ras l'bol des rich' qu'il faut r'mercier
Parc' qu'ils nous donn' du boulot et des rêves
Ras l'bol de la propriété
De s' goberger quand d'autres hommes crèvent!
Ras l'bol du vieux monde
Camarades!
Puisqu'on peut pas l' changer
Laissons-le là
Partons ensemble
Aux Kerguélen!
On bouff'ra qu' du varech
Le climat est pourri
Mais faudra faire avec
Les paradis sont pris.
Dès le lundi matin on ne pens' qu'au week-end
On espèr' que c' coup-ci il s'ra mieux réussi
On respire un bon coup pour plonger sous la s'maine
Et le seul résultat c'est qu'on aura vieilli
En attendant la r'trait' l'héritage ou l' gros lot
On délaie nos deux heur' dans six de bavardages
On en veut au voisin qui s' repos' davantage
Et on croit qu'on n'a pas d' pire enn'mi que l' boulot
Ras l'bol des tâches compétitives
Qui nous laiss' pas d'autre espoir qu' s'arrêter
Ras l'bol de vos coopératives
Plus on en fait, plus on s' fait entuber!
Ras l'bol du vieux monde
Camarade!
Puisqu'il veut pas changer
Laissons-le là
Viens avec nous
Aux Kerguélen!
On compt'ra pas les heures
À quoi bon s' reposer
Quand on s' fait pas baiser
L' travail c'est le bonheur!
On paye la flicaill' pour nous fout' la pétoche
Les patrons donn' des ord' dans not' prop' intérêt
Et vissés sur leur trôn' les gourous de la Goche
Proclam't en notre nom que le monde est bien fait
Mais nous les matraqués faut voir comme on s'accroche
À not' petit pouvoir comme à un' planch' pourrie
Et les ploucs les ratés les chétifs et les mioches
Quand ils ont une idée c'est toujours un' conn'rie
Ras l' bol des armes et des lois
Des syndicats qui fossoyent les luttes
Ras l' bol du flic qu'on porte en soi
Qui tonn' qui tann' qui s' bute et persécute!
Ras l'bol du Pouvoir
Camarade!
Et puisqu'on peut pas l' tuer
Laissons-le là
Viens avec nous
Aux Kerguélen!
Finies les agressions
Finies les preuv' à faire
Si c'est toi qu'as raison
C'est nous qui en s'rons fiers!
Quand on voit les gamins par deux main dans la main
Surveillés par Bouvard Molière et Pif-le-Chien
Entrer dans la machine à courber les échines
Recevoir à Noël leur panoplie d' crétin
Mettre ceux qui dis' merde au rang des assassins
Moucharder les copains opprimer les copines
Réclamer l' martinet quand papa s'en abstient
On a beau les aimer on r'nâcle à en faire un
Ras l' bol des pères et des mères
Ras l' bol d' l'écol' des colos des aïeux
Ras l' bol d'entrer dans la carrière
De nos aînés, et d' s'y fair' chier comme eux!
Ras l'bol du vieux monde
Camarade!
Puisqu'il veut pas changer
Plantons-le là
Viens avec nous
Aux Kerguélen!
Pas d' jeux électroniques
Pas d' papa pas d' maman
Pas d' télé et pas d' trique
Dans l'Éden des enfants!
Encor' si on pouvait cogiter calmement
Mais nos efforts avort' et la vie les emporte
La voix de l'ennemi est en nous la plus forte
On sait qu'on s' fait avoir mais on sait pas comment
On nous refil' nos goûts nos discours nos pensées
Faut s' servir de mensong' pour chercher qui nous ment
Le menton sur l'épaul' hâbleurs mais angoissés
Et les premiers dealers sont les premiers drogués
Ras l' bol des mots qui nous gouvernent
D' la liberté et d' la démocratie
Des scies qu'on prend pour des lanternes
Des bons apôtr' qu'on prend pour des Messies!
Ras l'bol du vieux monde
Camarade!
Puisqu'il veut pas changer
Plantons-le là
Viens avec nous
Aux Kerguélen!
Les mots qui t'égaraient
Au large s'évaporent
Le bien le beau le vrai
N'existent pas encore!
À quoi bon diras-tu partir au bout du monde
Plier dans les vents d'ouest geler sous vingt tricots
Bosser comm' des dingos pour une bouffe immonde
À sarcler un glacier disputé aux manchots?
L'homme sera toujours le même triste sire
Prisonnier du pouvoir du désir de l'ennui
Et puis au bout du conte il faudra bien mourir
Et là-bas comme ici la mort fera la vie
Ras l' bol des vérités des maîtres
Laiss' les à quai ell' n'ont plus cours à bord
Partons l'homme est encore à naître
Vivons enfin, et ras l' bol de la mort!
Ras l'bol du vieil homme
Camarades
Puisqu'on peut pas l' changer
Laissons-le là
Partons ensemble
Aux Kerguélen!
Ras l'bol du vieux monde
Camarades!
Puisqu'on peut pas l' changer
Laissons-le là
Partons ensemble
Aux Kerguélen!