Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Narcipat

Le raccourci s'éloigne

22 Avril 2018 , Rédigé par Narcipat Publié dans #Prostate & Cie

… et me voici, après quelques cafouillages et grincements de dents, reparti pour une cure de Bactrim, ce Tamerlan de l’intestin : on dirait bien que sur quinze produits que propose l’antibiogramme du labo, “le meilleur toubib du quartier” n’en connaît que deux! Mais arrêtons-nous là : le principe était de m’entraîner un peu à l’altruisme, et je n’ai réussi, comme d’hab, qu’à raconter ma vie, laquelle en soi ne peut, ne doit intéresser personne, et de fait ce troisième parcours de santé, le beau temps aidant, a eu encore moins de succès que les autres, et fait plonger ces chiffres de fréquentation auxquels l’estime-de-soi reste bien malgré elle scotchée. Il faut s’y résigner : mes aventures prostatiques ne conquerront pas le statut d’un Fumer du thé. En attendant l'improbable survenue d'une idée non frayée, estimons-nous donc guéri, même si c’est pour le moins improbable. L’œil surtout de nouveau m’inquiète, un mal d'été celui-là, et il n’est pas impossible que mon ophtalmo vieillissante ait donné dans ce travers commun, de tenir sa compétence et son attention pour des acquis définitifs, et les ait ipso facto perdues peu à peu, tout en gardant une identique psychorigidité face aux patients, mutatis mutandis comme moi-même, autoproclamé roi de la concision, et sporadiquement reconnu comme tel, j’ai fini par basculer dans le radotage sénile. La bonne femme est très maternelle, mais c'est une maman avec qui on ne discute pas : même votre “ressenti”, elle le connaît mieux que vous. Cela dit, tout en mettant au panier ses fichues gouttes anti-glaucome, je garde, clivée, la conviction qu’elle sait ce qu’elle fait, et que mes prétendues brumes et douleurs devraient être traitées par le mépris ou le repos. Le fond du conflit n’est-il pas qu’elle me soigne, non dans l’optique d’un surmenage sur écran ou papier, mais simplement d’une prolongation pépère? Impressions anciennes, apparats critiques de la Pléiade et (ces corniauds d’Apple, entre mille trouvailles inutiles, n’ayant rien prévu pour que les croulants puissent lire l’heure) simples noms de fichiers, sur les menus… que sans loupe je ne distingue plus rien de tout cela ne fait pas un bouton à Madame, pourvu que j’y voie assez pour mettre un pied devant l’autre, et allonger mon existence d’un supplément végétatif, “à mes yeux” inacceptable… du moins pour l’instant, car je ne puis absolument exclure de m’accrocher sous peu à n’importe quelle sorte de survie… j’ai tellement baptisé mon pinard, déjà… Du moins, le même en aveugle ne jérémiaderait-il plus que toutes portes fermées, et aurait-il une chance de se retrouver tel quel

    Blague à part, s’il est probable que les maux de l’âme, à commencer par le défaut d’amour et de simple reconnaissance, sont les ressorts secrets de la plupart des suicides, je n’imagine pas, pour ma part, de mettre les bouts avec un « Ouiiin! Mersonne ne m’aime! » plus ou moins déguisé. Ni d’ailleurs parce que j’aurais découvert, une fois de plus, mais la bonne, que je n’ai aucun talent, ou que j’en ai perdu le peu qui m’était imparti. Je pense déjà n’avoir plus la moindre chance de le voir reconnu,  ça m’a indéniablement cassé l’élan, et ça ne m’empêche pas de jouir, le plus souvent de fantasmes et par procuration. En revanche, la vie sans vue, même allégée par la musique et du monde à qui parler, ne rencontrerait pas, je crois, beaucoup d’amateurs… D’ailleurs, même parmi les champions de résilience, s’en trouverait-il des brassées pour demander du rab de vie à l’EHPAD du coin? Qui ne préférerait l’euthanasie, surtout pratiquée en douceur et sans prévenir, donc sans résidu d’affres? La question du raccourci se pose à tout le monde, et le problème est de saisir l’instant, vu qu’entre le doute et « trop tard! » ne s’interpose qu’un fétu. Bien sûr, c’est signé d’un gars qui n’a jamais sérieusement souffert, et qui cane devant l’usage des lois de l'attraction terrestre à des fins autodestructives, comme dirait encore plus cuistre que lui… Même aveugle et tendon pété, je suppose qu’un tough guy peut se hisser par dessus la balustrade et

             Sauter du XVIIIème en criant : « Je m’écrase! »

             Afin que les passants aient le temps d’ se garer…

    Que sommes-nous capables de supporter pour ne pas mourir tout de suite? C’est bien beau de prendre des décisions d’avance, mais pas très sérieux quand c’est seulement devant soi-même, à qui l’on ne doit aucune fidélité. Depuis des ans, je jette régulièrement les tests de dépistage du cancer du côlon, que reçoivent chez nous tous les + de 50 ou 60 : soigner ce genre de cancer, ai-je décrété, implique sac-à-merde, et de sac-à-merde, pas question pour mézigue : deux assertions aussi sujettes à caution l’une que l’autre… Après tout, je me suis bien habitué au sac à pisse… À quel seuil, de douleur, d’invalidité… ou d’outrage, se démettre? C’est l’affaire de chacun de se sonder, mais ce n’est pas facile quand la mort est ou paraît encore éloignée, et il me semble que l’apport d’autrui, en ces matières, ne doit pas être sous-estimé : un peu d’intérêt, une main à serrer, atténuent même la souffrance physique.

    J’ai parlé de suicide toute ma vie, et, pas loin du seuil des 70, si le ridicule tuait, je serais mort depuis longtemps. C’était pur chantage, appel à l’amour, qui a marché quelquefois : pas souvent. Est-ce que les choses ont tant changé depuis l’andropause médicamenteuse? En ce moment, il me semble que j’avalerais le brouet létal sans un frisson. Mais il fait 26° dans ma piaule, 21 dehors, et les sommets pyrénéens à portée de godillot ne descendent même plus à zéro la nuit. Au surplus, à part l’œil qui déconne, je me porte comme un charme : il est un peu trop facile d’imaginer alerte l’ultime grimpette, quand elle est remise à l’hiver, et qu’il n’y a pas une semaine que l’été s’est installé.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article