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Le blog de Narcipat

Autour d’un ECBU

20 Avril 2018 , Rédigé par Narcipat Publié dans #Prostate & Cie

    J’aurais été moins friand de public féminin rien qu’une demi-heure plus tard, quand je sentis monter, à l’arrêt du tram, une envie irrépressible : face à la gare, en plein centre-ville, je ne puis me féliciter que d’avoir porté un futal anthracite, où l'urine, ce me semble, ne se voyait pas trop. Quant à l’odeur, va savoir. Pour ceux qui sont moins avancés sur ce chemin : à l’issue de trois semaines de sonde, la rééducation des sphincters m’a pris dans les 48 heures, évidemment fort bien tolérées dès que j’eus regagné ma tanière… si des douleurs d’intestin n’avaient pris le relais, assez vives pour que je demande un RV à Bâfre, lequel me parut de prime abord étrangement froid, et s’en éclaircit vite : c’est qu’il n’avait pas vu ma tronche depuis un an! « Eh, je suis venu deux fois, mais vous êtes toujours en vadrouille : c’est Melle Z. qui m’a reçu. » Pas mécontent de constater qu’il y a d’autres paranos que mézigue. Au cours du small talk, il me demande si j’ai vu des appréciations le concernant sur Google : je crois me souvenir qu’il n’y avait rien (en fait, c’est faux, il y a trois chaleureux éloges féminins de son écoute et de sa patience, mais frais de l’an), et, étrangement, il s’en dit soulagé, alors qu’il draine à lui seul plus de patientèle que tout le reste du cabinet! Et ce en dépit d’une désinvolture pis-que-méditerranéenne : comme il me refuse du Vogalène, qui empêcherait selon lui de pisser : « Si vous me permettez d’ajouter à votre science, le Laroxyl aussi! – Oui, encore plus! Mais vous en prenez combien? – J’ai cessé depuis que j’ai lu la notice. » C’est trop peu dire, mais voyez un peu la réaction d’un drôle qui me prescrit imperturbablement cettz potion depuis deux ans, et en quantités assez généreuses pour que j’en aie mis de côté plus que la dose létale!

    Il m’a donné une prescription d’analyses sanguines standard, et une autre d’échographie urinaire, que je laisse traîner… jusqu’à ce que des douleurs de plus en plus vives dans ce que le peuple appelle “les reins” (chute, tour d'iceux, etc), c’est-à-dire la région des lombes, commencent sérieusement à me gâcher la vie, et à m’insinuer comme une angoisse : l’infection aurait-elle remonté? Je ne sais où se trouvent au juste mes reins, les situant plus haut, mais encore trop bas : apparemment, ces douleurs proviendraient plutôt du sacrum, des lombaires, que sais-je? De cette colonne vertébrale lasse de mes naguère quatorze heures de fauteuil quotidiennes, récemment réduites à huit ou dix? La coïncidence paraît un peu forte, je n’ai pas souvenance de maux du haut du cul aussi persistants. D’autre part, ils refusent de céder à la position couchée (comme le ferait un bon tour de reins commun) ainsi qu’au paracétamol, mais, avec quelque retard, semblent s’apaiser quand je bois ou bouffe, ce qui ne devrait en rien intéresser mes os??… Comme la question n’est pas encore résolue, c’est avec gratitude que je lirais les suggestions de médecins pros ou amateurs!

    On m’a donné en uro une prescription d’ECBU (Examen cyto-bactériologique des urines) pour dans deux mois, et comme je m’en étonnais, trois semaines de sonde rendant l’infection à peu près certaine, le gaillard m’a enseigné qu’on ne la traitait pas ou plus avant l’apparition de symptômes comme la fièvre : ce que je fus trop heureux d’ouïr, le Bactrim m’ayant durablement déglingué en 16-17 [1]. Est-ce qu’on se fiait à mon système immunitaire pour tordre le cou aux bactéries? Il me paraissait tout de même bizarre qu’on ne se préoccupât pas de savoir desquelles au juste il s’agissait, et surtout qu’on se servît de la menace qu’elles faisaient peser sur les reins comme d’argument pro-résection, tout en les laissant libres de faire leurs ravages. Bâfre a pourtant avalisé cette politique, en ne me prescrivant pas d’ECBU. Mais l’échographiste, une dame bien moins niaise que son visage, et qui prend le temps de discuter, me fait observer, sur son écran constellé de particules mouvantes, que l’infection est plus-que-probable; je lui reproduis l’argument des spécialistes : « Mmmais, réplique-t-elle, attendre la fièvre… Quand viendra la fièvre, vos reins seront fichus. » Notez bien : que si les dentistes s’entre-déchirent volontiers, les médecins se sont fait une loi de ne pas se contredire les uns les autres (je trouve même que le mien délègue avec un pilatisme patent : du moment qu’un autre m’a pris en charge, il se bat les burnes de ce qui peut m’arriver); et que cette dame vient d’entonner cinq minutes l’éloge du service dont elle conteste à présent le Diktat : « Cette infection ne s’en ira pas toute seule. » Elle me propose un ECBU en urgence – que j’accepte avec reconnaissance vendredi 13 au soir, dont je dépose samedi l'échantillon, et reçois les résultats mardi, deux heures (j’adore quand ça s’emboîte, même si je ne fais rien du temps libéré!) avant d’aller revoir mon médicastre traitant, que j’ai copieusement traité d’abruti et d’assassin dans la solitude du gueuloir, évaluant à 100% ses diagnostics et traitements erronés, l’Avodart demeurant l’exception unique (et donnée à tout le monde). Je finirais presque par vraiment prêter à ma mère des dons d’extra-lucidité, quand je me remémore son verdict : mon toubib, selon elle, était nul. Et il est bien exact qu’il se signale, tout autant que par son “écoute” et sa science du contact humain, par sa propension à la procrastination, ses arrivées après la messe, me trouvant les infirmiers que j’ai déjà contactés, ou saisissant sa plume pour rédiger l’ordonnance d’un examen dont je lui apporte justement les résultats.

    Or cette fois il s’émeut quelque peu : non tant, apparemment, des risques encourus par son patient, que de se faire faucher l’herbe sous le pied par une confrère qui n’avait pas à : il ne m’en souffle mot, mais me colle, d’emblée, en surnombre et à toutes fins utile, une prescription d’ECBU sans date. Après quoi, il a peut-être ses raisons pour choisir, dans la riche liste de killers de l’Escherichia coli, fournie par le labo, l’Ofloxacine, en me signalant sans insister de ne pas courir, et de faire gaffe à toute douleur en provenance des tendons. Une demi-heure plus tard, le pharmacien m’évoquera avec une Schadenfreude mal dissimulée le cas, observé par lui, d’un type qui, avec ce produit, se serait pété les tendons des deux chevilles. Du reste, la notice est encore plus effrayante que les historiettes : elle confesse que l’effet en question (et combien d’autres!) peut se produire dès le début du traitement, et jusqu’à trois mois après son arrêt. J’ai déjà eu vingt occasions de constater que si le potard savait écouter et connaissait son boulot, en revanche il tondrait un œuf, et le volet compassion de l’empathie lui est, comme à moi, à peu près fermé. Je lui demande comment on peut, dans ces conditions, garder en vente un produit pareil et le prescrire : « Mystère de la médecine et de l’industrie pharmaceutique! » lance-t-il en s’esclaffant grassement. Sur ce, il me balance une vanne si nulle que je vous l’épargne, et, rouge comme un gratte-cul, s’étrangle quasiment de rire, pendant que j’affecte de mettre les bouts sur des œufs “pour m’entraîner”. [2]

    Bâfre est quand même d’une autre classe : non parce qu’il m’a fait cadeau de la consultation, ce qui m’a plutôt gêné, et suggéré qu’après cinq ans de patientèle, il m’avait admis au jardin du tiers-payant. Non par son savoir, qui reste colossal, même s’il est, dans mon cas, constamment à côté de la plaque, par défaut de temps pour l’étude de singularités. Mais c’est un homme qui ne les repousse pas, et accepte que le malade, au moins sur ce qu’il ressent, en sache plus que le médecin : ce qui suffit déjà, au milieu de tant de cons préformatés, à le rendre exceptionnel. À l’évidence, il se casse la tête sur des symptômes qui n’existent pour lui, après tout, que via ma parole : je n’arrive même pas à retrouver mention sur le Web d’une théorie comme quoi la lombalgie pourrait résulter d’un transfert de douleur (ce n’est pas le terme qu’il a employé, et qui m’échappe) depuis une infection vésicale : « Je ne l’ai jamais vu, mais il paraît que ça existe », et s’il le dit, c’est que c’est vrai.

    Je crois que ce qui me séduit surtout, c’est la vitesse avec laquelle il pige : il me fait remarquer qu’il me reçoit avec un quart d’heure d’avance, je lui réponds que je le lui mets en compte, et lui, du tac au tac : « Oh, ce compte-là est largement déficitaire! » Ou bien, comme j’évoque cet interne farfelu, la crainte qu’il ne se fasse la main sur ma prostate, et son public de minettes : « Ça, c’est les externes! Elles ne vous toucheront pas! » et à peine ai-je le temps de lever les bras en signe de résignation qu’il se marre : « Médicalement, je veux dire! » Et ces riens sont incessants, alors qu’on se heurte pourtant, sur le plan des connaissances, à une altérité dont l’appartenance commune au PST (Parti des Sans-Télé : ce n’est pas lui qui m’en a fait confidence) ne rabote pas les angles. Mais ce type s’intéresse à tout ce qui est bouquin, et, quand j’empoigne au dernier moment un petit format à lire en salle d’attente, je crains que ce ne soit davantage en fonction d’une admiration escomptée que pour passer le temps : j’aurais presque rougi l’autre jour en le voyant baver des ronds de chapeaux devant mon Nouveau Testament en grec, dont je ne comprends guère que les passages que je connais déjà. Mais Bâfre est trop gentilhomme pour vérifier, comme mon petit frangin.

    Je ne suis pas amoureux de cet homme, mais je comprendrais qu’aucune femme ne lui résiste, en dépit de son âge, qui avoisine le mien : il n’est pas horrible à voir, et irrésistiblement sympa. Ce qui pour moi se résume sans doute à ceci : qu’il m’aide à me sentir sympa moi-même. N’empêche que comme recours proprement médical… La prompte comprenette et l'absence d'arrogance ne compensent pas tout à fait les diagnostics et traitements poussifs ou/et erronés…

 

 

[1] Calomnie? Je le prenais presque sans manger, et sans user d'un probiotique. Suspendons notre jugement une douzaine de jours.

 

[2] Écrit hier matin. Le soir, je rigolais beaucoup moins, la “patte d’oie” et le genou (alors que j’aurais plutôt attendu des nouvelles de la cheville, donc l’autosuggestion n’a pas joué) s’étant endoloris brusquement, quatre ou cinq heures après le cinquième comprimé. Je crois que la notice mérite d’être citée : « Au moindre signe de douleur ou d’inflammation des articulations ou des tendons, arrêtez de prendre OFLOXACINE EG 200 mg, comprimé pelliculé sécable et mettez le membre atteint au repos. Évitez tout effort inutile car ceci pourrait augmenter les risques de rupture des tendons. Attention à la reprise de la marche si vous étiez alité depuis quelques jours en raison du risque de rupture de tendon. » Il y a un mètre vingt de recommandations de ce carat, qui sont de la roupie de sansonnet au regard des plaintes des patients , lesquels, à une écrasante majorité, dénoncent ce “poison” : je dois dire que le portrait de gentleman-médecin que j’ai tracé la veille s’en trouve plutôt mal. Je viens de lui écrire de m’envoyer dare-dare l’ordonnance d’un autre antibiotique, et j’irais jusqu’à me demander, bien que ça sonne un peu trop thriller, s’il ne m’a pas balancé cette saloperie exprès. Pour une malheureuse Escherichia coli, il faut vraiment être con ou vicelard! Je sens de la rupture dans l’air, et pas seulement de tendon… mais où aller? Dans le quartier, « tous les autres sont pires ».

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