Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Narcipat

Suicide mode d'emploi

25 Février 2018 , Rédigé par Narcipat Publié dans #Diarrhy (2005-2006)

    Surprise : planqué parmi les rossignols, sur les étals de soldes, un exemplaire en parfait état du Suicide mode d'emploi. Deux balles! À la bourse underground, il doit tourner autour de cent… Interdit de vente ou de retirage, j'ignore lequel. Possible que les concurrents du Gibert de Maville, France-Loisirs, par exemple, qu'il brade joyeusement, lui aient balancé ce tackle rétorsif : après tout il m'est arrivé à moi-même de disposer mes polars dans les casiers, ornés d'étiquettes décollées de mes emplettes, et, les constatant disparus un mois plus tard, de m'enivrer d'âmes-sœurs à jamais inconnues et inconnaissables… Pour le coup je pense pourtant qu'il faut diagnostiquer hâte et ignorance des préposés à la "seconde main". Peu importe. Je n'achète pas, possédant déjà l'ouvrage, qui n'est pas de ceux qu'on revend, ni même qu'on offre, sans scrupule : pousser les autres à l'eau, comme le font ses auteurs, en restant les pieds bien campés sur la rive, et s'enrichir de la sorte, ça sniffe par trop marchand de canons. Surtout quand on sait ce qu'en vaut l'aune, de "vouloir se tuer" : sauf chez les malades incurables, quoi de plus, au fond, qu'une demande d'amour, ou du moins d'intérêt spécifique? Feindre de la prendre au sérieux, et fournir l'arme, au nom de la "liberté", je ne suis pas encore assez cyniquement dégueulasse pour ça.

    Car Guillon a beau protester du contraire dans un bouquin récent, dont je n'ai lu que le prospectus, on ne se l'est procuré, ce grimoire devenu mythique, que pour les vingt pages de recettes de la fin. Mauvaises pages, aussi bâclées que le reste : on y trouve aussi bien la suggestion saugrenue des "pépins de pomme" ("L'ingestion d'une tasse de pépins de pomme ou d'amandes de noyaux de pêche peut entraîner la mort", mais qu'on se rassure, "Les cas mortels restent exceptionnels.") que DEUX doses létales d'A[…] 25 : 160 comprimés en p. 228, et 50 en p. 257, la seule que j'eusse remarquée quand j'en avalai une centaine, sans autres séquelles que des plaies aux cuisses (suite à frottements convulsifs), des troubles passagers de la vue et de l'équilibre, une semaine d'arrêt de travail, et le délabrement de l'intellect qu'il vous est loisible de constater tous les jours depuis presque deux mois. Je maintiens mes réserves quant à la propreté morale de l'entreprise, mais même un sale boulot, ça me paraît une circonstance aggravante de le saloper, et je ne saurais dire à quel point je regrette, pour mon usage personnel, le manuel sérieux auquel cette pochade sous-informée, et les condamnations dont les tribunaux l'ont frappée, ont barré la route.

    Très peu de renseignements sur les effets, et un peu qui n'est même pas crédible. Est-ce qu'on souffre? Est-ce que c'est long? Que reste-t-il quand on se rate? À ces sujets, quelques phrases éparses et écrites de chic. Manifestement aucune enquête auprès de ceux qui ont survécu, et c'est par là qu'il eût fallu commencer, en prenant bien garde à ne pas considérer un malheureux cas comme représentatif. Ne trouvez-vous pas étrange qu'on rase d'un côté des hectares de taïga pour nous soûler de productions purement torcheculaires, et de l'autre, de ne pas même disposer d'UN livre qui nous dise à quoi s'attendre quand on se pend (NB qu'on sort du domaine de Guillon-Le Bonniec, qui ne s'occupent que de ce qu'on peut ingérer), alors qu'il suffirait de quelques interviouves de dépendus-à-temps pour nous l'enseigner? Au Moyen-âge, il est attesté que les familles payaient le "marieux" pour peser de tout son poids sur les épaules et disloquer les cervicales : bon. Mais n'étaient-elles pas simplement impressionnées par la danse des "branchés", pure réaction musculaire qui n'implique ni souffrance ni conscience? Et cette fameuse giclée de sperme dont naissait prétendument la mandragore, et sur laquelle fantasment Sade et ses épigones, s'accompagne-t-elle de plaisir? Certains détiennent les réponses, et je trouve souverainement agaçant que la communication ne s'établisse pas avec eux, qu'on doive se contenter de bidonnages débiles et contradictoires. J'ai essayé deux fois de me pendre, ou plutôt, car "essayer" est un mot trop fort pour des réalités si dérisoires, me suis livré deux fois à des exercices pendiculaires dans ma jeunesse : une avec un drap : perte de conscience quasi-immédiate, mouvements anarchiques des bras et des jambes, douleur néant, mais le bout était mal fixé (en haut d'une porte) et je me suis rétamé la tronche. Une autre fois, que je narre comme suit, dans une nouvelle autobio : « un bon quart d'heure de lutte, à la cave, où j'avais passé une corde de nylon dans un anneau fixé à la voûte : tout à coup, le cageot sur lequel j'étais juché s'affaisse! et de m'accrocher des mains à l'anneau, pendant que je cherchais le cageot des pieds, m'y rejuchais, et qu'il s'affaissait derechef! Pas assez musclé pour me hisser d'une seule main, et m'ôter le l'autre la corde du col… Je crois bien que j'aurais fini par crier au secours, si la séance s'était poursuivie plus longtemps : j'en ai gardé le trait rouge "à découper suivant" pour un bon laps, je ne sais plus quel pari stupide j'ai inventé pour l'expliquer à mes vieux… Mais ce qui m'est toujours présent, c'est la panique lorsque j'ai senti se dérober le support : "Merde! Je vais mourir pour de vrai!" et je ne sais quelle puanteur de clinique et de commissariat. D'ailleurs, ça faisait mal au cou, scandale! » Bref, deux expériences seulement, et elles trouvent le moyen de ne pas s'accorder, et de ne mener qu'à la conclusion provisoire de préférer la corde la plus épaisse possible! On voit mal pourquoi un pneu comprimerait mieux qu'un fil les carotides. 

    En l'état misérable de mes connaissances, si j'avais vraiment le choix, il se porterait sur le protoxyde d'azote, N2O, le fameux "gaz hilarant", dont on vend, m'a-t-on dit, des ballons dans les rave-parties, et qui n'est pas à proprement parler interdit, mais qu'il est difficile de se procurer en France, les dentistes n'en usant plus pour l'anesthésie générale. Un personnage de Puzo se bute ainsi, dans un nuage bleu et un chœur d'anges, seulement la littérature, hein! n'est pas un guide très sûr, même si c'est à peu près le seul dont je dispose. Deuxième avantage : pas de séquelles quand on se manque, PARAÎT-IL : encore faudrait que je me rappelasse où j'ai trouvé ça! Quant à la préparation, ahem hem hem, j'ai encore lu keuk part qu'il suffirait de chauffer du nitrate d'ammonium, NH4NO3, en vente comme engrais dans les bonnes jardineries, avec cet inconvénient léger qu'il est classé explosible, et qu'on risque donc de s'éclater pas exactement comme on l'aurait désiré.

    Dans l'attente de votre participation éclairée…

vendredi 18 novembre 2005 

 

    C’est très certainement cet article qui a créé le malaise, et au fond sciemment, parce que j’avais le sentiment d’avoir vidé mes fontes, que je préférais le silence à un moindre succès, et que je voulais culpabiliser mes lecteurs. De fait, un seul commentaire, d’une “Anne” : « Mouais...euh...c'est pour rire ? »

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article