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Le blog de Narcipat

Le meilleur des mondes possibles

26 Septembre 2016 , Rédigé par Narcipat Publié dans #Conversion?

IV

LE RISQUE DIVIN

 

    S’il est probable qu’il y a des hommes damnés, je dirai que le nombre importe peu. N’y en aurait-il qu’un seul, le problème du mal se poserait avec la même force pour le philosophe. Admettons, dira-t-il, que la création de l’univers des êtres moraux impliquât la faute et la damnation d’un seul de ces êtres, n’était-ce pas une raison suffisante pour ne pas créer cet univers? Telle est l’objection la plus profonde, parce qu’elle nous place dans l’acte de la prédestination.

    Je crois qu’on y répond très mal si on s’exprime en terme d’esthétique, comme sqaint Augustin (au moins dans ses premiers traités de Cassiciacum) s’y est laissé entraîner, poussé sans doute par la pente hellénique de son esprit. [Décidément, les Grecs ont bon dos!] Il raisonnait comme si le monde moral pouvait se comparer à une œuvre d’architecte, comportant des parties sacrifiées pour en faire saillir d’autres. L’ordre et la modulation du monde exigeraient des courtisanes pour la gloire des vierges, des damnés pour relever le bonheur des élus. De là à dire que certains êtres du monde moral seraient immolés à la béatitude des bons, il n’y a qu’un précipice. Je crois que ce n’est pas le moins du monde ce que saint Augustin veut dire, malgré son langage. Il exprime à mon sens assez maladroitement, à cause des catégories esthétiques dont il se sert, l’idée du risque divin et de la compensation.

    J’essaie une autre voie. Je prends l’expression : courir un risque et je vais tenter de l’appliquer à Dieu. Tout ce que nous exprimons dans notre langage comporte en Dieu son analogue, moins nos limites. [Le malheur, c’est que certains mots n’ont de sens qu’intra limites, et que les “mettre à l’infini” n’est qu’une opération vide.] Enlevons donc de l’idée de risque tout ce qui signifierait une limite; ne retenons que la notion d’un inconvénient en tant que lié à un avantage, c’est-à-dire la compensation et, pour parler avec Leibniz, la compossibilité. Demandons-nous à quel moment un mal lié à un bien comme sa conséquence doit m’empêcher de faire ce bien. Le problème est de chaque jour dans la conduite humaine. La nourriture suppose la destruction d’un vivant, qui est un mal, mais sans proportion avec le bien de vivre. [Quelle purée de pois! D’abord, il y a vivant et vivant. Je doute que qui que ce soit puisse se reprocher le meurtre d’une patate; en revanche, je ne crois pas impensable une époque où manger les bêtes nous paraîtra aussi incompréhensible que l’anthropophagie. Au reste, n’appartenait-il pas à Dieu de nous nourrir d’oxygène, si détruire un vivant est un mal?] Tuer un autre est un mal qui s’évanouit dans le cas de la justice. [Je me demande ce qui subsisterait aujourd’hui de cette pompeuse assurance! Eh! Guitton! Si On t’a collé ta paire l’ailes, descends donc me confier en songe si tu revoterais pour la peine de mort!] Il y a certes des maux qui [sic : plutôt que?] ne peuvent jamais compenser des biens, comme serait de faire un péché pour en éviter un autre, car c’est le caractère du péché de ne jamais pouvoir être le moyen d’un bien : mais il s’agit de définir ce qui est péché, et il est des cas douteux où nous pouvons nous demander si cet acte indifférent, ou même généralement mauvais dans son ordinaire contexte, ne devient pas bon du moment qu’il sert au bien. [Autrement dit, le péché ne peut servir au bien, et quand il y sert, c’est qu’il n’est pas péché. Malgré l’apparence, je n’aime pas tellement radoter, mais il faut que je replace ici cette “petite secte au Danemark” dont parle Voltaire dans son Dictionnaire philosophique, et qui égorgeait les enfants au sortir du baptême pour leur faire gagner le ciel sans escale. Qu’ils aient existé ou non, des gens qui se damnaient pour assurer la suprême félicité à leurs semblables! Et nécessairement impénitents : au nom de qui se seraient-ils repentis? À peine un degré de “bien” (dans le cadre, il est vrai, des dogmes catholiques), facile à imaginer, et voici qu’on se heurte à des contradictions insolubles. Ce qui n’empêche pas les moudus de nous ramener un Dieu “infiniment bon”!]

    Cela dit, plaçons-nous dans l’optique divine. Dieu devait-il courir le risque qu’il y eût des damnés? Il faut ici remarquer que la possibilité de la damnation est l’envers ombreux de la possibilité de la sainteté, selon le mot profond de Barbey d’Aurevilly : « L’enfer, c’est le ciel en creux ». Je ne veux nullement dire qu’il y a nécessairement des damnés parce qu’il y a des saints, mais j’entends que la damnation doit demeurer toujours, pour chaque être du monde moral humain ou angélique, une solution possible, si cet être veut vraiment mériter d’être un élu. [Le beau mérite, qui repose, en l’état, sur la niaiserie de croire sans voir! De toute façon, ça ne justifie en rien l’éternité de la peine.] Il aurait pu se faire que jamais cette possibilité ne passât à l’acte. Mais la foi nous dit qu’en fait il y a des damnés parmi les Anges. Dieu a donc choisi cette création-ci, qui comportait au moins quelques damnés angéliques. Il a couru le risque. Il a assumé ce risque. [Lequel n’était, pour Dieu, nullement un risque, mais une certitude. On peut admettre cette idée infâme de compensation, mais l’appeler risque relève du tripotage verbal.]

    Il n’a pas conçu que l’existence de Lucifer fût une tache balançant la splendeur du tout. La liberté, la sainteté, la miséricorde, la souffrance, la communion des saints, la gloire externe de Dieu étaient de tels biens qu’ils justifiaient la perte libre et volontaire des malheureux. Mais, pour parler encore notre humain et imparfait langage, Dieu fit tout ce qui était possible pour atténuer ce risque. [À part Se montrer sans équivoque, et promulguer Ses lois et décrets directement, sans l’intermédiaire de personnages mythiques, d’hommes-qu’ont-vu-l’homme-qu’a-vu-l’homme, etc, et de cent ou mille clergés divers! Il n’y a pas de perte libre et volontaire sans information sûre. J’ai honte de recopier cette mauvaise resucée de Leibniz, l’homme du “Meilleur des Mondes”. La foi nous dit… tout simplement, des conneries indéfendables, même au prix de mille contorsions. Je suis vraiment la reine des pommes ou des masos, de me soucier d’une pareille “argumentation”, simplement pour un peu de lin oxydé, que le carbone 14 a daté du Moyen-âge!]  Précipitant le monde moral dans l’être avec tous ces existants tremblants, libres et fragiles, il s’y précipita aussi lui-même dans la plénitude du temps donnant son Fils et le Sang de ce Fils. Il fit, pour empêcher cette tragique possibilité, statistiquement si probable, tout ce qui était je ne dis pas humainement mais je dis divinement possible. [Voir plus haut. Ce qui ne paraît pas humainement possible, c’est que Guitton ne voie pas à quel point ce qu’il dit est idiot. S'imagine-t-il, par hasard, que la solennité compense?] Et, à ce moment même, il voyait ceux qui refuseraient ce salut. Et il les créait quand même : il déclenchait le mécanisme du Tout, dont ces êtres malheureux étaient une partie. Plus il multipliait les secours, plus il augmentait la liberté du mal et par conséquent le caractère même du mal, chez ceux qui sciemment refusaient ces secours. [C’est ça, c’est ça : en somme, si Dieu Se cache, c’est pour ne pas aggraver notre cas en Se montrant. Et le pis du pis, c’est que je suis sensible à cet argument. Je ne peux pas croire à cette religion absurde. Mais je ne veux pas y croire non plus, et moins encore, peut-être, que lors du miracle des chiottes, il y a une quarantaine d'années. Alors la vie s’ouvrait, et je ne voulais pas d’entraves. À présent elle s’achève, et je n’ai pas de mots assez durs pour flétrir le peu que j’en ai fait, et l’accueil nul que ce peu a reçu. Est-ce parce que personne n’en a voulu que je tiens à ce peu-là? Est-ce l'habitude, simplement, qui me retient de faire le saut dans la folie de la foi?] Mais aussi plus il augmentait la profondeur de son salut chez ceux qui acceptaient ce salut et qui apercevaient de quel mal éternel ils étaient préservés par la rédemption.

    Ainsi les damnés manifestent le caractère sacré et dramatique de cette existence-ci. Et sans doute, sans la possibilité réelle de la mort éternelle, ni la liberté de l’homme aimant Dieu ni la liberté de Dieu se sacrifiant pour sauver l’homme n’auraient leur sens véritable. [Je cesse de commenter. Ce “sens véritable” vaut l'“aimer vraiment” des midinettes. Cette manière de se gargariser de son propre verbalisme me fait mal au cœur. Je ne suis pas un paladin du Q.I., mais sa corrélation avec l’incroyance  finirait par ne plus m’étonner… Le besoin de justifier l’injustifiable, et, sous le nom de “foi”, une tranche congelée d’ignorance vigintiséculaire, devrait pourtant stimuler l’esprit dans le sens du pilpoul. Mais il y a belle lurette que les cathos ont opté pour la brume. Raison pour quoi ils sont si ennuyeux.]

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