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Le blog de Narcipat

Et une conversion au seuil de l’au-delà?

27 Septembre 2016 , Rédigé par Narcipat Publié dans #Conversion?

    Je me suis un peu énervé hier, et, sans rien biffer, je tiens à revenir sur ces considérations relatives aux corrélations entre intelligence et incroyance. D’abord, j’ai quelques raisons, et pas seulement autodéfensives, de contester la notion même de Quotient Intellectuel et les tests qui le mesurent : j’ai abordé la question en divers lieux, ici par exemple, ou : pour nous résumer, il me semble que les questions posées favorisent une forme d’intelligence grégaire, dont la contestation, la créativité, voire la simple écoute et compréhension d’une idée nouvelle sont exclues. Une des plus grandes cruches que j’aie connues [1] prétendait obtenir 130 ou 140, et je l’en croyais sans être impressionné le moins du monde. D’autre part, la prétention des tests à être culture-proof et education-proof me paraît sujette à caution : bien qu’une telle assertion relève du politiquement incorrect et soit punie par la loi, je n’hésiterais pas à marmonner dans ma barbe, comme la plupart des coopérants en Afrique, que les noirs sont bêtes, mais il m’en faudrait au préalable des preuves un peu plus sérieuses qu’une “enquête” qui accorde 105 de Q.I. à la Chine, 98 aux U.S.A. (et à la France!), et 65 de moyenne ou moins à l’Afrique subsaharienne. Tout à parier que les concepteurs des tests comprenaient peu de Camerounais ou de Centrafricains!

    Même si l’on admet que ces chiffres signifient autre chose qu’eux-mêmes, il me semble qu’en soi ils ne suffisent pas à faire de la croyance religieuse un signe de couennerie. Nous émergeons d’un “fond des âges” où l’athéisme semble presque inconnu. Les êtres qui se contentent d’adopter les rites, coutumes et convictions de leurs parents sont naturellement très majoritaires dans les pays pauvres où l’on a bien du mal à survivre sans être lié à un clan. Les grandes religions ont d’ailleurs, pour la plupart, cette vertu de n’être pas réservées à un peuple, à une classe, d’être ouvertes à tous, d’où un considérable recrutement d’ânes bâtés qui plombe la moyenne, ce qui n’exclut nullement la présence d’une élite : chez les croyants, je serais plutôt porté à supposer une courbe de Q.I. bibosse que gaussienne. Au reste, dans un pays comme la France, où l’athéisme, à son tour, se transmet de père en fils, il ne demande plus aucune exploration personnelle, et n’exclut pas la plus complète imbécillité.

    Cela posé, je persiste à trouver fichtrement tordue cette justification de l’enfer par la volonté suffisamment éclairée du damné lui-même, qui résulte chez la plupart des théologiens d’un raisonnement a priori : Dieu ne saurait vouloir une chose aussi effroyable, donc… c’est ce cochon de mécréant qui a décidé de mécroire. Je suppose qu’il existe une foultitude d’athées assez sûrs d’eux pour se marrer sans frémir de ce chantage; quant à moi, je ris jaune, ayant sinon pleinement, du moins conscience de la part de refus que comporte mon incroyance. Refus d’un tas de sottises d’un autre âge, qui ne méritent même pas d’être discutées? Peut-être. Mais j’ai beau faire, je ne puis me défendre de frissonner face à certains textes… Plutôt que de finir le Guitton, qui n’a plus à traiter que du Purgatoire, je vais “vous” taper aujourd’hui une page d’un dominicain pas spécialement enragé, le père Charles-Vincent Héris, page où il examine les possibilités de retour à Dieu du pécheur endurci :

 

    Quoi qu’en aient pensé certains théologiens augustiniens, il y a donc toujours en cette vie possibilité pour le pécheur le plus endurci de se relever par la pénitence. Mais cela ne veut pas dire que ce relèvement soit facile et que le pécheur puisse compter sur des grâces abondantes et des secours extraordinaires. En justice, il ne peut compter sur rien, et la miséricorde divine est libre d’accorder les grâces qu’il lui plaît. [J'oserai, pour ma part, affirmer que Dieu, s'Il nous a tirés du néant, doit au moins nous donner les moyens de constater Son existence, ou Se contenter, pour toute “punition”, de nous remettre où Il nous a pris.] C’est pourquoi il arrive, en fait, que bien des pécheurs obstinés ne se convertissent pas.

    Si le retrait total du secours divin ne s’opère pas en cette vie, ne s’effectue-t-il pas en retour dès le premier instant de l’entrée du pécheur dans son éternité? L’âme séparée du corps ne se trouve-t-elle pas à cet instant, du fait de son nouvel état, fixée immuablement dans le mal, sans aucune possibilité d’un nouveau choix susceptible de décider de son sort éternel?

    C’est ici qu’un nouveau et grave problème se pose. L’ange, lui, se fixe en toute liberté, dans son obstination pour le mal. Son mode de connaissance est intuitif, c’est-à-dire que d’un seul regard de son esprit, connaissant immédiatement tout son objet, l’ange saisit aussitôt tous les motifs qu’il peut avoir de le poursuivre ou de le repousser. Se décidant en pleine lumière, il n’a plus aucune raison de revenir sur sa décision. C’est dans une lucidité d’esprit totale qu’il se détourne de sa fin surnaturelle [et que, de ce fait, il choisit pour lui-même, en toute connaissance de cause, un malheur sans fin? Comment serait-ce possible? Pourquoi? N’est-ce pas idiot?]; dès lors, ayant agi par un mouvement purement volontaire et d’aucune façon passionnel, il ne peut modifier sa détermination; il est inflexible dans son vouloir. Ainsi voyons-nous dans l’ordre humain que plus un homme est intelligent, plus ses choix sont fermes et immuables [J’observe exactement le contraire : sans doute n’arrivé-je pas au seuil d’intelligence requis pour en juger], sans jamais parvenir cependant à cette irrévocabilité des décisions angéliques.

    L’homme en effet ne parvient à la vérité qu’avec peine, par de nombreux efforts et avec de continuels risques d’erreur, aggravés par les passions de sa nature sensible. Les motifs de ses décisions n’ont jamais cette clarté et cette fermeté que nous découvrons chez l’ange. En conséquence, la volonté humaine ne s’attache pas à l’objet qui lui est présenté d’une façon immuable et inflexible. Que d’autres motifs qui n’avaient pas été considérés d’abord viennent à se produire, et l’objet apparaîtra dans une lumière nouvelle; ce qui aujourd’hui est désiré passionnément, demain sera repoussé avec ardeur.

    Une grâce de conversion, pour l’ange, serait proprement miraculeuse; elle irait à l’encontre de sa nature même. [Il a donc été créé pour la révolte.] Pour nous, tant que nous sommes en cette vie, nous pouvons passer du mal au bien, du péché à la vertu. Fussions-nous descendus au dernier degré de la déchéance morale, il nous restera toujours la possibilité de trouver dans les larmes du repentir un espoir de réhabilitation.

 

À l’heure de la mort.

 

    Le dernier choix de notre vie pourrait donc être soumis au changement, si le temps nous était donné de nous convertir. Or l’âme humaine, au moment de sa séparation du corps, entre dans le monde des esprits purs; son mode de connaissance et de vouloir devient semblable au mode angélique. Dégagée de ses passions, elle est capable de se déterminer, comme l’ange lui-même, d’une façon souveraine et irrévocable. Dès lors ne conviendrait-il pas   qu’en ce premier contact de son existence supra-terrestre, il lui soit donné, avec les grâces requises, la possibilité de décider, librement et en pleine connaissance de cause, de son sort, et de fixer pour toujours sa destinée éternelle? Ou faut-il concevoir que l’âme, ayant fait en cette vie un dernier choix entre le bien et le mal, choix révocable de soi, mais qui en fait ne l’a pas été puisqu’il fut le dernier, faut-il concevoir, dis-je, que l’âme se trouve, dès son entrée dans l’autre vie, déterminée infailliblement dans son vouloir d’après le choix antécédent? Se trouve-t-elle fixée pour toujours dans le bien ou le mal, sans qu’il lui soit possible à ce moment-là même, et alors qu’elle bénéficie de la lumière propre aux esprits purs, de revenir sur sa décision passée, décision prise tandis qu’elle se trouvait dans le tourbillon des passions et le tiraillement des appétits contraires?

    Si l’on se range à la première hypothèse, il faut admettre qu’à ce premier instant de sa vie nouvelle, l’âme peut encore poser un acte méritoire et libre, gros sans doute de tout son passé, mais qui peut cependant, avec la grâce de Dieu et la liberté de jugement de l’esprit pur, être une conversion totale et assurer son salut. Si l’on juge au contraire que la seconde hypothèse est seule admissible, faut-il dire que l’âme séparée, bien que naturellement capable de modifier les attitudes qu’avait l’âme unie au corps, s’en trouve empêchée par la volonté autoritaire de Dieu qui lui refuse sa grâce? Dans ce cas, Dieu « serait la véritable cause de l’obstination de l’âme dans le mal, en lui interdisant un changement qui physiquement serait encore possible ».

    M. le Chanoine Glorieux auquel nous empruntons ces dernières paroles est favorable à la première manière de voir. Il pense qu’en ce premier instant, qui met à la fois un terme à notre vie terrestre et inaugure notre éternité, à ce moment précis où elle est séparée du corps, l’âme se trouve dans les mêmes conditions que l’ange : elle peut librement prendre une décision de soi irrévocable et s’immobiliser par conséquent, elle-même, dans la décision prise, dans son amour ou dans sa haine de Dieu, sans plus jamais pouvoir revenir sur son choix.

    Que penser de cette opinion, qui, au premier abord, semble satisfaire la justice la plus rigoureuse?

    En premier lieu, est-il certain que l’âme, à cet instant suprême, reviendra sur la décision dernière qu’elle avait prise en cette vie? Sa malice, qui la met en aversion avec Dieu, ne va-t-elle pas au contraire se fixer irrévocablement? « Celui qui pèche par malice est dans de mauvaises dispositions en ce qui concerne la fin elle-même, laquelle est principe en matière d’action [2]. Les passions ne sont plus là, c’est vrai, mais la remarque de Saint Thomas, que nous avons déjà citée, ne s’applique-t-elle pas ici? « Le plus souvent si des pécheurs s’attristent de la faute, ce n’est pas parce que le péché lui-même leur déplaît, c’est à cause des ennuis qu’il leur fait encourir » [3]. L’âme pécheresse séparée, en opposition volontaire avec Dieu, peut fort bien s’épouvanter des châtiments qu’elle est sur le point d’encourir, mais cela ne suffit pas pour la convertir; il faudrait une détestation sincère du péché considéré comme une offense à Dieu que jusque là elle n’a fait qu’abhorrer. Aussi bien il ne nous vient pas à la pensée que, dans cette hypothèse que nous combattons, l’âme juste pourrait en ce moment suprême d’épreuve se retourner contre Dieu. Pourquoi dès lors admettre que l’âme pécheresse pourrait se convertir? Comme l’âme sainte, elle porte en elle tout son passé : pour qu’elle le rejette, il lui faudrait sans doute une grâce peu ordinaire; Dieu est-il obligé de lui accorder cette grâce?

    À dire vrai, c’est dans la condition proprement humaine et non dans celle de l’âme séparée que nous devons faire notre salut. Cette condition humaine comporte essentiellement l’union de l’âme et du corps; le bonheur éternel qui nous est proposé est le bonheur de tout l’être humain, corps et âme. La justice exige, semble-t-il, que nous décidions de notre destinée dans les conditions naturelles qui sont propres à notre activité humaine. Or, de par la constitution propre à notre nature d’hommes, l’intelligence et le vouloir sont liés, dans leur opération, à l’exercice de nos facultés sensibles. Nous sommes des esprits incarnés, et c’est sur ce plan d’incarnation que notre responsabilité s’engage. Si nous sommes inférieurs à l’ange, en ce sens que nos choix sont toujours imprégnés d’affectivité sensible, que l’imagination et la passion peuvent nous aveugler sur la vraie route à suivre, en retour il nous est possible de redresser nos erreurs, de corriger nos fautes. Nous avons toute notre vie terrestre et des grâces sans nombre de Dieu pour opérer le redressement. Vouloir exiger que notre destinée ne soit irrésistiblement fixée qu’à l’heure où nous deviendrons, du fait de l’absence de notre corps, semblables aux anges, où en réalité nous ne serons plus des hommes mais de simples âmes séparées, semble bien fausser le problème du salut. C’est dans la chair passible et mortelle que le Christ nous a sauvés; c’est dans cette même chair que nous devons coopérer avec lui à notre salut personnel. Saint Thomas en est d’accord :

 

    Après cette vie, l’homme n’a plus le pouvoir d’atteindre sa fin dernière, car il a besoin de son corps pour parvenir à sa fin, les facultés corporelles étant pour lui la condition du progrès dans la science comme dans la vertu. L’âme, séparée du corps, est donc hors d’état de progresser vers le bien. Elle est donc fixée dans la peine qui la prive de sa fin dernière, et éternellement elle en sera privée. [4]

    

    Il nous explique ensuite qu’il n’y a aucune injustice de la part de Dieu dans ce procédé, mais enough is enough.  « À dire vrai »… on aura remarqué qu’absolument aucun argument sensé n’est opposé à la proposition insolite, mais humaine, du chanoine, de laisser l’âme décider, en véritable connaissance de cause, au seuil de l’au-delà. La tête coupée peut encore se repentir dans le son du panier, mais au quatrième top, fini! Cela dit, il est fort probable, en effet, qu’on n’obtiendrait là que l’attrition, et non la contrition. Donc, au feu! Je ne me vois pas, comme ça, d’un coup, détester le péché de chair, par exemple, ou, plus grave, revenir sur les devoirs de Dieu à l’égard de ses créatures, et, au premier chef, celui de se montrer, s’Il veut qu’on obéisse à Ses commandements à la noix. Quant à L’aimer, honnêtement, je n’ai jamais eu la moindre notion de ce que ça pouvait bien vouloir dire (L’abhorrer non plus, sauf si c'est l'Yahweh exécrable du Pentateuque!) : devant un bûcher, en quoi ça pourrait-il changer? Lécher le cul de l’Omniscient ne paraît pas un bon plan. Mais il est vrai aussi que je n’ai jamais fait le moindre effort sérieux en Sa direction, et que je pourrais bien me trouver mal de cette fruste argumentation comme quoi je n’ai pas demandé à naître, donc que tout m’est dû de Sa part.

    Ramassis de conneries? Certes, comme toute la théologie, puisqu’elle repose sur la foi en un tissu de puérilités, qu'elle essaie de justifier par mille acrobaties : un Être tout-puissant qui s’amuserait à créer des êtres prétendument libres, pour jouer tout seul au petit jeu du ciel ou du feu, alors qu’Il en connaît l’issue pour chacun de toute éternité! Conneries à 999 chances sur mille. Mais ils sont des palanquées à avoir cru à tout cela, une poignée à y croire encore, et parmi eux des gens dont l’intelligence surplombait-et-plombe la mienne de mille coudées. L’autorité du nombre? Le comble, c’est qu’il suffit, pour m’ébranler, que dis-je? me terrifier, d’un seul qui affirme à peu près n’importe quoi. 

 

 

[1] Mieux vaudrait mettre une sourdine, vu que ladite cruche est probablement le hacker masqué qui s'est donné la peine de casser mon mot de passe, chose qui, imaginais-je, n'arrive que dans les livres ou en usant d'outils appropriés. Opiniâtreté dans la “vengeance”, soit, mais qui n'a pu marcher sans un minimum de pénétration.

 

[2] Somme théologique Ia IIae, qu. 78, art. 4.

 

[3] Ibid., art. 2, sol. 3.

 

[4] Cont. Gent., II, 144.

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