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Le blog de Narcipat

Lecture des Nouvelles solitudes, 2 : mâle c’est mal

18 Mars 2012 , Rédigé par Narcipat Publié dans #VA : M.F. Hirigoyen : pervers narcissique et harcèlement moral

     Si les dires des patients, et surtout des patientes, sont rarement remis en question, en revanche on a souvent lieu de s’interroger sur l’écoute qui leur est consacrée, attendu l’hiatus qui les sépare des commentaires : p. 42, « Je veux bien me mettre en couple, mais il faut que le jeu en vaille la chandelle. L’autre doit m’apporter quelque chose en plus, pas seulement sa présence, mais aussi la sécurité matérielle, une introduction à un environnement social plus élevé, et surtout une stimulation intellectuelle, culturelle ou bien une ouverture sur un monde inconnu. » Irrésistiblement, le soussigné macho pervers pavlove : et toi, que donnes-tu en échange? Un cul de rêve? Or voici la “généralisation” qui suit immédiatement : « La plupart des femmes ne veulent plus des rapports de forces qu’implique souvent une relation amoureuse, elles sont fatiguées des enjeux de séduction, des prises de pouvoir de l’un sur l’autre, de la crainte permanente d’être quittées. » Si vous voyez le rapport, écrivez-me-le, je ne demande qu’à m’instruire!

     Autre exemple dès la page suivante : « Après quelques expériences désastreuses, certaines, comme Laura, 46 ans, préfèrent rester seules :

     Parce que mon mari ne le faisait pas, j’ai appris à gérer seule toute l’organisation de la maison, les courses, les réparations, les devoirs des enfants et les liens avec l’école, et même les loisirs. Je suis devenue hyperorganisée, dans l’efficacité. Je lui demandais souvent de m’aider, mais, quand il consentait à faire quelque chose, c’était du registre de l’exploit et c’était finalement encore plus compliqué pour moi, alors je ne demandais plus rien.

     Quand, avant notre séparation, nous sommes allés voir un conseiller conjugal, il a dit qu’il avait l’impression qu’il n’y avait pas de place pour lui, mais il fallait bien que cette maison fonctionne avec ou sans lui. Son départ n’a rien changé sur un plan pratique, j’ai toujours les mêmes soucis, les mêmes corvées, mais je peux m’organiser comme je veux. » Un peu long, mais je tiens à éviter le risque de tricherie inhérent aux coupes : toute l'expérience est là. Si elle est désastreuse, on se demande quel adjectif réserver aux violences domestiques! 

    Quand c’est un mâle qui cause, en revanche, la distorsion va presque toujours dans le sens du réductionnisme : p. 178 : « Ils imaginent que les femmes attendent essentiellement du sexe, et qu’ils ne les combleront que s’ils sont à la hauteur au lit. Voici ce que dit Christian, 62 ans :

     Du côté sexuel, c’est marée basse, et ça le restera probablement. Je n’ai plus de vie sexuelle, mais le sexe vient me chercher dans mes rêves. Est-ce qu’on peut avoir du désir sexuel quand on n’est pas fier de soi? Passé un certain âge, qu’est-ce qu’on a à vendre? Passé 60 ans, sur le plan sexuel, on a moins à proposer qu’avant.

     Certains hommes ont le fantasme que l’appétit sexuel des femmes est insatiable, car elles ont la possibilité d’avoir plusieurs orgasmes à la suite. Pourtant, à écouter les femmes, il apparaît que leur exigence n’est pas là. » Et rien ne dit que ce bonhomme, dont je pourrais presque parapher l’entière déclaration, nourrisse cette illusion, redoute un déficit de performance! Que le sexe soit “à marée basse” ne signifie pas qu’on ne bande plus, ni qu’on ignore que la plupart des nanas s’en fichent. Et bien entendu, la phrase un peu profonde, celle qui mériterait qu’on s’y arrêtât : « Est-ce qu’on peut avoir du désir sexuel quand on n’est pas fier de soi? » n’est même pas perçue.

     Autre exemple, p. 201-202 : « Certains préfèrent ainsi la solitude à la compagnie de leurs semblables, car cela leur permet de ressasser à loisir leur malheur et de se complaire dans la plainte, comme Daniel :

     Je n’ai pas envie que quelqu’un entre dans mon intimité. D’une part, je me sens très vite envahi dans mon espace; mais, d’autre part, je crains que, si on m’approche de trop près, on puisse voir que je ne suis pas si bien que ça. » Où est la plainte, dans ce propos volontariste? Qu’un m’ont-fait-tort secret habite ce type, comme bien d’autres et, qui sait, tous, c’est possible, mais il n’en exhale rien, et nous le marquer comme spécialement geignard témoigne d’une partialité confondante, surtout dans un bouquin qui déborde de pleurnicheries féminines, dont on ne retient que les “torts” qui les ont provoquées : qu’un homme constate, c’est de la plainte; qu’une femme se plaigne, c’est du constat.

     En dépit de protestations récurrentes d’équilibre et d’équité, de continuels pas seulement les hommes, mais…, Les nouvelles solitudes s’emploient, comme les précédents ouvrages de l’auteur, à mettre 80% minimum des difficultés de contacts inter-sexes sur le dos des vices masculins, recrutant à l’appui une brochette de connards que je veux bien croire authentiques, mais qu’on a peine à s’imaginer représentatifs. Il ne me semble pas pécher par une complaisance excessive pour les porteurs-de-pénis, mais quelle proportion d’entre eux a jamais dit à une femme : « Je te veux toute à moi »? 0,1 ou 0,2%? Combien font preuve de cette infecte lâcheté, qui nous est présentée, p.98, comme ordinaire : « Quand un homme se sépare de la mère de ses enfants, il est ainsi devenu banal qu’il présente sa nouvelle compagne à ses enfants, leur disant qu’il a enfin rencontré l’amour de sa vie, avant même de l’avoir annoncé à la femme dont il n’est pas encore séparé. Celle-ci apprend alors son infortune de la bouche des enfants »? Combien poussent la pingrerie, qui mieux est avouée et cynique, aussi loin qu’en p.144 : « La première personne que j’ai rencontrée grâce à ce site de rencontres m’a énormément surprise : d’emblée cet homme m’a dit qu’il préférait qu’on se rencontre dans un square, car il lui était arrivé de payer un verre et même une fois ou deux un dîner à des femmes avec qui cela n’avait pas marché, et cela coûtait cher. Il ne voulait pas dépenser pour rien… »? Je me crois plutôt rapiat; mais à ce point, c’est de la caricature! Noter tout de même au passage que, tout en revendiquant l’égalité, la nénette tomberait des nues que le mec ne réglât pas l’addition, et que ça, ce n’est pas une attitude rare.

     On pourrait m’objecter que dans cet ouvrage les femmes sont à peu près aussi stupides que les hommes : c’est exact, mais, nuance de taille, leur bêtise est celle de l’auteur, explicitement ou tacitement approuvée, alors que celle des mâles est insidieusement clouée au pilori : « Il se plaint que les femmes ne soient plus féminines : “90% des femmes sur les sites ne sont pas féminines, et les autres sont trop capricieuses ou exigeantes!” Quand on lui demande ce qu’est pour lui une femme féminine, il s’étonne : “Tout le monde sait cela! Une femme féminine, c’est comme mon ex-femme qui ne se montrait jamais sans être maquillée, coiffée, avec des bijoux et des talons hauts, même à la maison.“ » On dirait un colonel Ronchonnot inventé par une féministe; il existe, admettons, mais à combien d’exemplaires? Nous le présenter plus ou moins comme la norme, c’est se moquer du monde. 

     Les hommes sont menteurs. Ce n’est certes pas ce que je conteste, et d’ailleurs cette accusation n’est qu’un rendu, puisqu’à l’envi la plupart des moralistes depuis l’antiquité nous dénoncent les femmes comme les reines du mensonge. Mais n’est-il pas inepte de se borner à renvoyer la balle? pp.140-141 : « Bien sûr, comme il n’y a, sauf sur quelques sites, aucun moyen de contrôle des données, la tentation est grande de procéder à un petit lifting pour augmenter ses chances. Les hommes [c’est moi qui italique, le glissement est censé imperceptible] mentent sur leur âge, leur profession, leur adresse (ils évitent certaines banlieues) et leur niveau culturel (ils vont tous au concert et ont vu toutes les expositions de peinture), voire sur leur situation matrimoniale. C’est l’expérience d’Emma, 34 ans, gérant d’un magasin :

     Les hommes savent arranger la réalité : un homme se disait séparé, en fait il faisait simplement chambre à part avec sa femme, un autre disait que lui et sa femme faisaient lit à part, en fait ils avaient le même lit, mais avec des matelas séparés.  » Frémit-on d’horreur devant ces abominables impostures? de dégoût devant la mesquinerie de leur dénonciation, et l’imbécile (et bien féminine, elle) assimilation de la culture aux concerts-et-expos? ou d’exaspération, de voir attribué le vice de tous à toujours la même moitié de la population? Du reste, si l’homme ne bourre pas le mou, on lui reproche son cynisme : p. 96 : « Mon mari a une autre femme dans sa vie, pour lui ce n’est pas grave : “Rassure-toi, elle n’est pas intelligente!” Pendant ce temps-là, moi je me coltine les enfants, les profs, l’orthodontiste, les papiers de la maison et son organisation et, en plus, il est odieux. Qu’on trompe sa femme, soit, mais discrètement [CMQS] Et pourquoi en plus la démolir?  »

     Les hommes passent leur temps à se lamenter sur eux-mêmes : pp. 54-55 : « quand le couple ne marche pas, ils se sentent incompris et se posent en victimes. Le reproche fait par un homme à une femme qui l’a quitté est toujours le même : “Tu es castratrice, tu t’es accaparé des enfants [sic], tu n’es pas assez disponible sexuellement!”

     Mais les femmes en ont assez des hommes qui sont sans arrêt dans la plainte. Voici ce que raconte Corinne, 41 ans :

     Sur ce site de rencontres, Philippe se présentait comme un chef d’entreprise très actif et passionné par son travail. Quand je l’ai rencontré dans un café, d’emblée il a commencé à me raconter ses malheurs : “Sortez votre mouchoir!” Je n’ai fait aucune tentative pour m’apitoyer ou obtenir plus de détails, mais il ne m’a rien épargné de ses ennuis de couple, de la pension alimentaire exorbitante que lui réclame son ex-femme, de l’ingratitude de ses enfants. Puis il m’a raconté son récent licenciement et l’obligation qu’il a eue de se mettre à son compte car, à 55 ans, dans son domaine professionnel, on ne trouve pas d’emploi salarié. Pendant une demi-heure, il n’a cessé de se plaindre des autres, me demandant de compatir.

     J’en ai marre du malheur des hommes. Celui-ci pourrait avoir la pudeur de faire un effort minimum pour me séduire. Mais non, cet homme, comme d’autres auparavant, veut qu’on s’occupe de lui, qu’on comble sa solitude. Ces hommes n’ont rien de chevaliers qui viennent conquérir une femme. À moins d’être assistante sociale, comment rêver d’un homme qui parle de ses difficultés de travail, de sa femme qui l’a plaqué et de ses obligations par rapport aux enfants? » Mais si le chevalier réagissait par des comportements d’hyper-virilité, et se piquait de la conquérir, on ne donne pas cher de sa peau. Quoi qu’ils fassent, ils ont toujours tort.

     Bien longue déjà, ma tartine; mais il y a un passage, au mitan du bouquin, pp. 100-101, auquel il faut réserver une attention particulière :

     « On cherche à se convaincre, ainsi que l’entourage, et au besoin le juge des affaires familiales, que l’autre est “perturbé”. Maintenant que la notion a été galvaudée, on l’accuse d’être “pervers narcissique”, on cherche à démontrer qu’il/elle est fou/folle afin de se déresponsabiliser. » Comme Mme Hirigoyen est au premier rang, en France du moins, des responsables de ce “galvaudage” et de la substitution de la psychiatrisation au dialogue, comme je l’écrivais il y a deux ans, on est ici en droit d’attendre un embryon d’auto-examen et de peccavi. Attendez toujours! « Tous les coups sont permis pour obtenir un divorce au moindre coût. Il ne s’agit nullement d’une négociation entre deux personnes raisonnables, mais plutôt d’écraser l’ancien partenaire devenu rival, afin de “triompher”. Dans cette guerre des psychismes, c’est souvent le plus pervers qui gagne. Or les individus narcissiques ne sont pas capables de se remettre en question [Seriez-vous narcissique, Madame? pas hypervigilante, en tout cas…], de reconnaître l’autre en tant qu’humain que l’on a aimé et désiré. Pour eux, si le couple n’a pas marché, c’est forcément la faute de l’autre. On n’hésite pas alors à instrumentaliser les enfants pour mieux le disqualifier.

     Dès lors qu’on ne veut plus d’un partenaire, il peut être tentant de l’écraser, de le détruire psychologiquement. Si l’autre résiste, on peut alors se poser en victime et justifier ainsi son départ : “Je l’ai quitté(e) parce que c’était une mégère / parce qu’il était tyrannique!”

     Caroline, brillante universitaire de 45 ans, a rencontré Stéphane alors qu’ils étaient étudiants. Dès le début de leur couple, celui-ci s’est montré tyrannique et même violent à plusieurs reprises. Parce qu’il ne supportait pas qu’elle travaille, elle a renoncé à une belle carrière pour s’occuper de leurs trois enfants. Après vingt ans de mariage, il lui annonce la veille des vacances qu’il part avec une autre et lui fait alors, sur un ton violent, une longue liste de reproches. Dès le lendemain, il s’installe avec sa nouvelle compagne et commence une sorte de négociation commerciale pour imposer ses conditions matérielles. Il cesse du jour au lendemain de lui donner de l’argent et supprime sans la prévenir toutes les assurances. Sans cesse, il la disqualifie auprès des enfants.

     Faisant fi de l’accord passé devant le juge, il fait pression auprès des enfants pour les recevoir quand ça lui convient et, malgré leur réticence, il les emmène en vacances dans des lieux où il allait depuis toujours avec leur mère. Très clairement, il essaie de tout s’approprier, y compris les souvenirs. Mais Caroline, voulant être irréprochable, se défend mal et se met en position sacrificielle, ce qui renforce l’agressivité de Stéphane. »

     Bien qu’il n’en vaille pas trop la peine, j’ai tenu à aller au bout du cas, parce que sa présence ici est symptomatique de la perversion de l’auteur. Admettons à l’extrême rigueur qu’il soit équitablement exposé, que le bonhomme soit un démon, et son ex un ange : quel intérêt, et surtout ici, où était requise une illustration des dangers de se poser en victime avec l’aide des psy, à quoi nous avance de revenir à la sempiternelle rengaine du mâle-tout-noir? Où l’on espère enfin l’exemple d’un allégué tyrannique, et d’un démontage du procédé, cette cruche psychorigide ne trouve pas mieux à nous fournir qu’un tyrannique indubitable de plus, en prenant la précaution purement formelle des e entre parenthèses! C’est à pleurer.

     Je ne suis même pas sûr qu’une aussi constante mauvaise foi se refuse le mensonge caractérisé, et c’est avec un scepticisme extrême que j’aborde ce “constat” d’une voyageuse en Afrique, p. 203 : « Partout, je rencontre d’autres filles qui voyagent seules, rarement des hommes » ou celui-ci, p. 89, d’Hirigoyen soi-même : « En cas de séparation, les hommes retrouvent une nouvelle partenaire peu de temps après, et d’ailleurs la plupart commencent à chercher avant même la séparation effective. Au contraire, les femmes ont besoin d’un temps d’accoutumance avant de se mettre à chercher. » Que les choses aient changé depuis dix ans que je ne bouge plus ma graisse, six à la parution des NS (2007), c’est possible; mais à ce point, niet. De mon temps, qui n’est pas si reculé, la quasi-totalité des routards et voyageurs solitaires étaient des hommes. Et encore actuellement, s’il y a bien dans les rues quelques SDFettes, elles ne sont jamais seules, que pour mendier plus efficacement. Quant aux divorces, je n’ai connu perso aucune exception à cette loi : quand c’est la femme qui en décide, c’est qu’elle a du rechange : pas de pirouette sans filet. Un homme à qui l’on a planté des cornes peut fort bien mettre les voiles sans biscuit; une femme, jamais : si elle reste seule, c’est qu’on l’a jetée. Je ne prétends pas, notez bien, que la vie m’ait fourni un échantillonnage suffisant pour être fiable, mais les pourcentages comparés, évidemment imputables aux longévités inégales, ne sont d’aucun poids. Tout le bouquin tend à insinuer qu’en sus de leurs mille autres qualités, les femmes supportent mieux la solitude que les hommes, ce qui, d’après mon expérience, est une contre-vérité palpable. Mais il est vrai que pour cette dame, la “solitude” n’exclut pas des potes à la pelle, de sortir tous les soirs, et de baiser tous les quatre matins. Ce livre soi-disant sur la solitude ne parle, très exactement comme les autres, que des vicissitudes du couple.

…/…

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M
<br />  N'importe quoi ! Des mecs comme ça il en existe plein, et vous le savez bien ! Vous faites semblant de<br /> ne pas le croire pour les poignarder en traitre et pour  faire passer que vous êtes supérieur ! Un mensonge de plus !<br />
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N
<br /> <br /> Ah ah ah! Comme lequel exactement? Mais ne chipotons pas, car il y a du vrai, et je ne crois pas qu’on m’ait jamais rien décoché de plus subtil. De<br /> grâce, ne disparaissez pas trop vite!<br /> <br /> <br /> <br />