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Le blog de Narcipat

Introduction à quelques articles de Diarrhy

22 Février 2018 , Rédigé par Narcipat Publié dans #Diarrhy (2005-2006)

    Parti de rien, j’ai atteint la misère : j’ai dû citer plus souvent qu’elle ne le mérite cette blague de Groucho Marx. C’est que j’ai un peu de mal à accorder l’affirmation de n’avoir jamais rien valu avec celle de dégringoler. Mais assez d’hyperboles qui sont autant de sorties de secours! Si je ne dégringole pas, le fait est que je baisse. L’assertion n’a rien de neuf, mais jusqu’à présent je me suis arrangé pour ne lâcher d’exemples que d’étourderies genre introduire ma carte Vitale dans la fente de chez LIDL, ou oublier à peine debout quelle recherche urgente m’avait invité à lever le cul de mon siège, bagatelles dont je devinais sans trop de mal que mon interlocuteur, si jeune qu’il fût, allait s’exclamer : « Mais moi aussi! » Les dégradations mnémiques étaient bien sûr plus inquiétantes : si je bouquine la moitié du jour, ce n’est pas d’abord pour m’instruire ou la ramener avec mon savoir [1] mais pour jouir et m’oublier. C’est égal : il ne m’est pas indifférent, trois mois plus tard, de n’avoir plus d’un livre que des rognures de réminiscences, de perdre les faits, les idées qui me viennent et que je ne note pas, et surtout, les mots, dont je doute qu’on puisse se passer pour penser une nuance, et qui en tout cas sont indispensables pour la transmettre.

    Jusqu’à une époque récente, j’ai chevauché cette chimère que la vie devait être ascensionnelle au moins sur le plan intellectuel, nos dernières années étant comme des nains juchés sur l’épaule de géants. Mais si le géant se désagrège, le nain se casse la gueule. Ai-je inventé ces lignes, que je ne parviens pas à retrouver, où le vicaire savoyard raconte à son disciple qu’il a fait le point une fois pour toutes en matière de religion, et se refusera à tout réexamen une fois la descente entamée? Une manière assez parano de contrôler son propre déclin! Il est vrai que toute conviction suppose un minimum de confiance, même inconsciente, et qu’il ne serait pas économique de repartir du big bang chaque fois qu’un choix s’impose entre Merditech et Chinajunk. Mais faire confiance à ce qu’on fut aux dépens de ce qu’on est, n’est-ce pas se nier soi-même? Je devrais bien, pourtant, ressonger à Proust rayant d’un trait de plume le tiers d’Albertine disparue au profit d’une ânerie, et à ces milliers de biffures et ajouts du grand âge qui esquintent une œuvre quand elles ne la tuent pas carrément.

    Je n’ai jamais brillé ni par la compréhension ni par le raisonnement, mais j’ai gardé jusqu’à ces derniers temps (avec moult trous d’air, certes) la ferme espérance qu’aujourd’hui devait faire mieux qu’hier et moins bien que demain, surtout quand la tâche est à peu près la même, et tout spécialement quand il s’agit de corriger la production de la veille. Or, j’ai abordé, ou peu s’en faut, dans deux de mes blogs, Narcipat et Inventaire avant liquidation, le même sujet, avec cette différence que je me prenais dans le second comme objet d’étude, et dans le premier, ici même, comme simple (mais presque unique, par force) exemple. Quoique le vieux, même quand je n’y publie rien, persiste à être cinq ou dix fois plus lu que le jeune, et que la censure gogolienne n’en ait pas toujours été cause (elle a d’ailleurs commencé à se déchaîner sur le présent, et il se peut que j’aie attiré la foudre moi-même dans le texte précédent [2]), je ne doutais pas, en entreprenant une relecture de Narcipat, d’y découvrir beaucoup à récurer. Or, effet de surprise provoqué par ce qui vous est redevenu étranger? j’ai eu celle de trouver les premiers articles (je n’ai relu jusqu’à l’heure que septembre 2009) plus concis, nerveux, coruscants et gorgés de suc, moins convenus et scolaires, non seulement que la pitoyable foirade qui va servir de toit provisoire à ma prétendue Somme, mais que ses deux derniers tiers. Et le comble, c’est qu’ayant retrouvé, un peu par hasard, et presque par miracle (je cherchais la méthode de baise conseillée par un gynéco pour avoir, au choix, une fille ou un garçon, et me souvenais d’avoir forgé un néologisme dans l’article que j’y avais consacré), mon premier blog Diarrhy de 5-6, dont j’ai oublié depuis lulure l’adresse et le mot de passe… eh bien, si l’on peut se louer soi-même, n’est-ce pas de qualités qu’on a perdues? Certaines pages m’ont paru marrantes, verveuses et sympa, et il ne me paraîtrait que juste de les “upper” des abysses, avec ou sans commentaire, d’autant que les divers “changements de plates-formes” auxquelles on les a soumises ont nui à leur lisibilité.

    Tout est relatif, mais ce premier avait eu plus de succès à lui seul que tous les autres réunis [3], des visites et des comm’ en relative abondance, et je m’étais assez facilement persuadé que ça venait 1) du moindre déséquilibre offre/demande douze ans plus tôt; 2) des premiers pas que j’avais faits en direction des arrivants, lesquels me rendaient parfois ma visite (démarche devenue impossible, la rubrique “nouveaux blogs” ayant disparu, et ma spécialisation dans le détraquement psychique avoué rendant les avances scabreuses). Mais il faut bien ajouter à cela que mes lecteurs me prêtaient quelques qualités, de pensée ou de style (tout en se trouvant tous, du moins ceux qui s’exprimaient, meilleurs en l’un et l’autre) qui ont probablement été tuées à petit feu depuis par l’excès de temps dont j’ai disposé pour le peu que j’avais à dire, mais aussi par les benzodiazépines, et tout simplement par l’inexorable extinction des neurones. Il est de fait en tout cas que je radote depuis 5, 10, 40 ou 50 ans, et que si j’ai fait preuve un jour de créativité, elle paraît avoir défuncté depuis longtemps. Fus-je doué pour l’écriture? Pas en tout cas pour y trouver du plaisir, que la plupart des plumes autorisées lient à la qualité. Mais je doute que quiconque ait jamais joui de rédiger des textes appelés à rester sans écho.

    Pour me prouver que les obsèques de ma cervelle sont prématurées [4], et oublier la mini-période glaciaire qu’on nous promet jusqu’à la mi-mars, propice à un départ “dans la dignité”, je “ferme l’huis sur moi”, et reviens dès demain à la fiction. Occuper de temps en temps le terrain avec un vieil article plus ou moins toiletté n’empiétera pas sur l’épreuve de vérité.

 

 

[1] Je préférerais cent fois être créatif qu’érudit, et les braves dames qui me donnaient autrefois du “puits de science” (c’est arrivé) me faisaient un mauvais compliment. Mais si la créativité peut être considérée indépendamment du savoir, la création effective, elle, ne peut se mesurer qu’au regard du déjà-existant, même si l’artiste en ignorait tout : j’ai effleuré la question ici, m’y montrant créatif, mais probablement pas créateur).

 

[2] À supposer que j’y comprenne quelque chose : la mystérieuse provenance “newsletter” vient de faire son apparition ici : serait-ce un simple avatar de Google?

 

[3] 75 “pages lues” le sixième jour, et 847 en douze jours exactement : je trouve ces chiffres dans le texte même, et je n’avais aucune raison de mentir. Narcipat, en huit ans, n’a atteint que bien rarement le premier “résultat”, et jamais le second. Aux mêmes stades, il en était à 7 et 27 (mes propres visites, probablement), et l’Inventaire à 0 et 0. Un blog qui démarre aujourd’hui a chance de ne figurer dans les moteurs de recherche qu’en 2020, quand il n’aura plus rien à dire, et, le plus souvent, sera abandonné. D’ailleurs, rares sont les gens dont la pensée, illégale, subversive et/ou répugnante, exige l’anonymat : ils ont bien raison de jouir, via “réseaux sociaux”, du petit capital fourni par leur nom.

 

[4] À mes heures d'optimisme, je me dis que le Cas Trou et certains Fonds de cercueils, écrits à 30-35 ans, semblent l'œuvre d'un gamin de quinze; dans mes Buû de 45 berges, j'ai l'air d'en avoir vingt : peut-être à 70 en atteindrai-je 30 de maturité?

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