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Le blog de Narcipat

Eh, Dieu, tu dors?

27 Février 2018 , Rédigé par Narcipat Publié dans #Diarrhy (2005-2006)

    Croire n'avance à rien. Car croire quoi? Qu'il ne faut pas bouffer de viande le vendredi, traire les vaches ou faire bosser son frigo le jour du Sabbat? Admettons qu'on consente à abdiquer sa raison, quoique ce soit contradictoire, si c'est bien Dieu qui nous l'a donnée : reste qu'on a le choix entre mille conneries divergentes. Baise-Pascal me fait marrer, avec son imparable pari : l'infini sur un plateau, pas à balancer. Mais si je vous dis, moi, que vous irez tous en enfer à moins de renflouer mon compte en banque avec le vôtre, qui sait s'il n'y a pas une chance sur quelques milliards que ce soit vrai? Ce truc-là marche à tout coup, quoi qu'il nous prenne fantaisie de prêcher. Bon, vous me direz que les gros-gros haut-parleurs, qu'ils causent latin, arabe ou tibétain, s'entendent à peu près sur l'essentiel, une proscription de la violence et une promotion de la charité. Qui contrevient à ces impératifs ne saurait ignorer qu'il se met dans la merde au cazoù. D'accord. Et entre nous, la peur du Poul-Serrho, de la géhenne de feu ou de renaître en chien galeux, c'était aliénant, certes, mais plus efficace que Sartine ou Sarkozy [1], ne serait-ce que pour les domestiques : c'est ce que pensait Voltaire, qui les faisait sortir quand ses potes causaient athéisme à table. Mais enfin, c'est le B-A BA : tous ceux qui ont sucé la culpabilité avec leur biberon savent que les vrais pourvoyeurs d'anxiété, ce sont les fautes inconnues, celles qu'on ne peut ou ne veut pas connaître, cet irrémissible "péché contre l'esprit" que Djay-Ci s'est bien gardé de définir, et que peut-être je suis attelé à commettre en ce moment même. Dans L'imposture de Bernanos, l'abbé Cénabre est un modèle d'austérité chrétienne; mais voilà : le lascar, à son insu, demi-su, quart-de-su, n’aime pas Dieu, ne s'aime pas lui-même : tout est bon à jeter, les B.A. avec le reste! Toute sa vie n'est qu'imposture… La trouille de ça que j'ai! Un cœur en toc, voyez poubelle! Plaider l'ignorance? Mais la trouille même est un avertissement!

    Voilà le versant sombre, le filigrane, la face cachée. Le quotidien, plus rustaud et plus vivable, tient à Dieu à peu près ce langage : « C’est déjà bien assez duraille de suivre Tes préceptes, d'apporter secours et compassion à mes frères humains, moches comme ils sont; de me faire chier à la messe ou à brailler "Hare Krishna" 1728 fois par jour; est-ce une exigence exorbitante que celle d'avoir l'assurance préalable de ne pas faire tout ça pour rien? Personne ne croit plus en Toi, parce que Tu ne Te montres pas, ce qui paraît relever au choix de l'inexistence ou de la cruauté pure. Tes Livres Saints sont un marécage de bêtise et d'ennui, Tes ministres de gros nuls, et Tes serviteurs un tas de bélîtres. Tu fais tribuler l'innocent et récompenses la canaille. Regarde ma sœur et son jules, pauvre Salaud, qui ne font que du bien autour d'eux, ce sont peut-être les seuls êtres altruistes et doués d'écoute que je connaisse au monde : et il faut que Tu choisisses leur gosse pour lui colloquer une maladie rare, et un an de plâtre! Ordure. Et si le présent argumentaire est pourrave, c'est aussi Ta faute, puisque Tu as riveté la raison dont il se réclame. Rien, rien, rien, ne me parle de Toi : j'estime que les premiers pas T'incombent. Fais seulement tomber la cheminée de l'immeuble d'en face, ou obscurcis le ciel à midi, ou apparais en personne à la porte-fenêtre, qu'est-ce que ça coûtera à Ta Toute-puissance? Après quoi je suivrai les instructions les plus débiles le petit doigt sur la couture du pantalon. Mais il faudrait être zinzin pour s'incliner devant le néant. Mes demandes sont frustes, j'en conviens. Mais Tu m'as fait ainsi, au ras des pâquerettes, tires-en les conséquences. »

    Raisonnable, non? J'espère que certains se sont reconnus… Faut tout de même pas nous prendre pour des cons! « Mets-toi à genoux et tu croiras! » Merdre! J'exige de croire d'abord. Seulement voilà : exiger, en l'espèce, c'est se faire une idée bizarre du rapport de forces, et ajouter sur mon ardoise le blasphème à la mécréance, le Zigoto apostrophé étant juge et partie; c'est passablement surestimer mon apport potentiel, et surtout mes sacrifices : après tout, qu'ai-je à perdre à la foi? "Je vous dis que vous y aurez gagné en ce monde", mille grâces, Blaise! En outre tout ce discours semble dicté par Satan, et exsude le vice de base, le fameux péché contre l'esprit, qui consisterait à tout ignorer d'aimer. Enfin, et c'est le plus grave, ce signe grossier que je réclame, IL ME L'A FAIT! Je vous raconterai ça demain, s'Il me prête vie jusque là.

lundi 21 novembre 2005

 

[1] Ministre de l’intérieur l’année précédente, et point encore candidat à la présidence.

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