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Le blog de Narcipat

[“Totalitarisme intrafamilial”, 2]

30 Juin 2017 , Rédigé par Narcipat Publié dans #VA : X : La paranoïa

   Lorsque les enfants sont devenus adultes, le parent paranoïaque commente dans les moindres détails leur vie, les infantilise de manière outrancière et refuse la moindre tentative d’autonomie.

    Il sait mieux que son enfant ce qui est bon pour lui, lequel n’aura aucun espace de respiration, sauf à fuir, une fois adulte, le parent paranoïaque, et à attendre une forme de libération qui ne viendra réellement qu’au prix d’un travail thérapeutique personnel et de la mort dudit parent. [laquelle survient désormais trop tard pour que ça vaille vraiment le coup de guérir!]

    Le totalitarisme paranoïaque s’invite à tous les étages du psychisme, dans les moindres recoins de l’intime. Surtout, le parent paranoïaque n’hésitera pas à invoquer de puissants principes, qui seront évidemment tout le contraire de sa “pédagogie noire”, pour reprendre le terme d’Alice Miller : telle mère invoquera Dolto et les besoins de l’enfant alors que les siens n’auront pas le moindre espace de respiration [et surtout de transgression, ajouterais-je volontiers, quand le parent avalise et sacralise les moindres désirs de l’enfant-roi, et “intruse l’intime” en les reprenant quasiment à son compte; mais vous-même, qui estimez qu’un enfant est fichu si le père n’a pas dit la loi et ne s’est pas fait le truchement d’une menace de castration, que préconisez-vous donc, quand l’interdit est bravé en secret?], tel père invoquera la charité et les valeurs chrétiennes tout en enfermant ses enfants à la cave dans le noir et le froid dès qu’ils font du bruit, etc.

    Par ailleurs, s’il existe une fratrie, le paranoïaque n’aura de cesse de créer une division, tout en protestant du contraire. Tout sera dans l’excès. Par exemple, l’échange de vêtements entre frères et sœurs sera interdit [une interdiction qui devrait vous plaire, puisqu’elle reflète une reconnaissance du sexué!] ou, au contraire, l’enfant d’après devra porter strictement les mêmes affaires que son aîné, sans avoir les siennes propres. Le parent paranoïaque investira souvent un enfant au détriment des autres, créant ainsi divisions, jalousies, mesquineries au sein de la fratrie. S’il a deux filles, il orchestrera par exemple le clivage ainsi : l’une sera désignée belle, intelligente, etc, tandis que l’autre sera désignée comme le laideron, la stupide, etc. S’il a plusieurs enfants, il y en aura nécessairement un [l’aîné, à l’ordinaire] sur lequel il projettera sa haine [je ne me décide toujours pas à voir de la haine dans ce besoin narcissique de bouc émissaire] et qui sera rendu responsable et coupable de tous ses maux. Cet enfant sera écarté des scènes familiales, et vivra dans la souffrance inaudible l’abandon et le rejet, sera désigné “bon à rien”, “fou”, etc. [et, ipso facto, risquera fort de le devenir, au contraire de ce que vous dites :] Mais c’est aussi celui qui s’en sortira le mieux psychiquement une fois adulte car, sur la base de cette haine, il lui aura été permis de se construire un minimum d’espace psychique. [Oui, mais sans perdre de vue l’ennemi.] Et dans ce rejet, il lui aura été laissé l’espace pour élaborer sa souffrance et tenter de comprendre ce qui se passe au sein de ce scénario familial. [et passer sa vie à ça, sans résultat tangible : quel avantage!] Il est intéressant de savoir que, partout dans le monde, des psychologues, psychanalystes et psychiatres aux travaux, ouvrages et publications reconnus [par quelques-uns de leurs pairs] ont subi la paranoïa d’un de leurs parents, et son rejet. (Didieu [sic : un lapsus clavieri significatif?] Anzieu en faisait partie pour la France [Il a surtout bénéficié de ce que Lacan avait engagé sa mère comme cuisinière! Voilà ce qu'on appelle les vocations dans ce sale pays.]) et que c’est sur la base de ce rejet qu’il leur a été donné de penser la folie avec brio. [Pas trop mal aux chevilles, ma grande?] De plus, le besoin d’existence et de reconnaissance à la base de ce rejet aura entraîné chez eux un besoin de [trop] publier, de dire la folie, de l’analyser, afin de ne plus jamais être traité de “fou” par le parent qui était fou et projetait sa folie sur l’enfant. [Encore une fois, j’ai une telle habitude de me tromper qu’il n’y a peut-être pas là l’aveu presque clair que j’y lis, et qui me coincerait la boîte à sarcasmes, sans la jalousie de celui qui écrit trop, mais ne publie pas, et surtout si l’ex-traitée de folle usait avec un peu plus de discrétion du droit qu’elle s’arroge de traiter, au besoin, tous les autres ou presque de fous.]

 

La punition post mortem

Teresa est une brillante psychanalyste d’Argentine qui a publié des articles très intéressants sur la perversion et les traumatismes sexuels infantiles. Son père est un grand paranoïaque et le couple parental forme une alliance mortifère sur un mode très pathologique. Un jour, ses parents lui annoncent qu’ils ont décidé que le père, gravement malade, ne serait plus secouru et mourrait chez lui, dans l’agonie [sic], tandis que la mère se suiciderait. La mère annonce d’ailleurs à ses petits-enfants ce projet mortifère. Teresa est chargée par ses parents de prévenir la fratrie de ce projet de mort, elle est donc messagère de mort. Elle refuse cette tâche. La scène macabre a tout de même lieu, en présence de toute la fratrie, sauf de Teresa, qui n’est pas conviée, et à laquelle son père ne voudra pas parler jusqu’à son dernier souffle. Elle recevra la nouvelle par SMS. L’on voit bien ici clairement la mise en scène paranoïaque, où le “mauvais objet”, désigné comme “le persécuteur” est projeté sur Teresa, la “méchante”, qui refuse ce projet morbide et ne sera donc “punie” que comme une “mauvaise fille”, et coupable tout à la fois de n’avoir pas pu sauver son père, de ne pas l’avoir accompagné dans ses derniers instants, et de ne pas avoir respecté son désir morbide. Un vrai sac de nœuds! Mais c’est dans cet abandon, dans ce rejet par la fratrie, dans cet “exil” au sein de la famille, que Teresa a pu développer son sens de l’observation, interroger la nature de ce rejet, élaborer les raisons de sa souffrance, et devenir ainsi une excellente thérapeute. [Une thérapeute, soit, mais excellente, avec cet Anchise sur l’épaule? Permettez-moi d’en douter. C’est votre investissement qui parle ici. Moi je mettrais ma main au feu qu’elle ne cesse de refiler ses problèmes à ses patients, et voit des paranoïaques partout.]

 

    Le rapport du parent paranoïaque à l’enfant est un rapport de force, dans lequel il doit gagner. Ceci est à distinguer d’une limite éducative nécessaire posée aux pulsions de destruction que rencontre l’enfant dans son développement. Dans le rapport de forces paranoïaque, l’adulte a des droits sur l’enfant (et non des devoirs, y compris celui de l’éduquer correctement) [le droit de légiférer arbitrairement étant présenté par le tyran comme son devoir, la distinction ne nous tire pas d’affaire] l’enfant est culpabilisé pour un rien, il est le support des colères parentales et n’a le droit à aucune autonomie, surtout pas affective. Le parent paranoïaque ne distingue pas les étapes de développement de l’enfant, et ne s’y ajuste pas. Il traitera un bébé comme un enfant de cinq ans, et ne verra pas qu’il existe une profonde différence dans la capacité à supporter la frustration, la colère, etc. [Je persiste à penser qu’il y a là une intuition vraie. Mais ces étapes de développement ne sont pas pour autant coulées dans le béton et identiques chez tous.]

    Dans tous les cas, le paranoïaque cherchera à conserver l’exclusivité sur sa famille, à conserver un contrôle absolu sur ses enfants et son couple, espionnant, épiant, prêchant le faux pour savoir le vrai, accusant à tort, etc.

[Se présenter comme des devoirs relève pour les droits de la cautèle élémentaire, c’est toujours pour le bien de l’enfant qu’on le prive ou le contraint, et le psychanalyste, qui nous donne la Loi et la crainte de la punition comme seule voie d’accès à la normalité psychique est mal placé pour contester les devoirs saugrenus. Cela dit, il est quand même aisé de relever une des grandes faiblesses des édits familiaux : leur resserrement sur l’ego du législateur. Mes parents auraient considéré des meurtres ou des viols comme des peccadilles en comparaison d’un défaut de respect ou d’estime à leur égard, ou de quelque délit les égratignant tant fût peu. Mais quant au plain-pied avec les enfants, et à la confusion des âges, c’est un trait parano dont je ne vois pas lieu d’accuser père ou mère. Moi, en revanche, j’y barbote, et persiste à n'y pas voir grand mal, à condition, bien sûr, de se borner au jeu, de n’être pas responsable.]

 

Éducation paranoïaque

Charles est le père de trois enfants. Dès qu’un reportage passe à la TV sur la drogue, il se retourne vers ses trois adolescents et leur hurle « de toute façon, je sais bien que vous fumez des joints. Vous croyez quoi? On n’apprend pas à un singe à faire des grimaces » [Une des antiennes de mon père, sauf que c’était “vieux singe”], et ce, sous le regard de ses enfants sidérés, qui ne comprennent pas pourquoi ils sont accusés de se droguer, alors qu’aucun des trois n’a jamais pris la moindre drogue. Impossible de se défendre, car de toute façon, leur père ne les croira pas : « Et en plus, vous me prenez pour un con! » leur dit-il à cette occasion. [Ce n’est pas “en plus”, c’est le fond de l’affaire.]

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