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Le blog de Narcipat

[“Totalitarisme intrafamilial”, 1]

29 Juin 2017 , Rédigé par Narcipat Publié dans #VA : X : La paranoïa

 

Le totalitarisme intrafamilial

Avec le parent paranoïaque, s’instaure un totalitarisme intrafamilial.

    Le parent impose à toute sa famille le contrôle, ses angoisses de persécution et ses phobies liées à l’enfermement. Les enfants du parent paranoïaque épongent donc de très grosses angoisses d’intrusion, et des phobies multiples autour de thèmes intrusifs : phobie des piqûres et des prises de sang, phobies d’empoisonnement avec sélection alimentaire et contrôle, etc. Les enfants du paranoïaque seront régulièrement confrontés à une sorte de trou noir psychique contre lequel il s’agira de lutter, ainsi qu’à une terreur de l’intrusion et du contrôle. [Ici, encart illustrant “la contagion des phobies”, et selon moi peu utile.]

    Souvent, pris dans ses interprétations délirantes de danger imaginaire, le paranoïaque ne s’apercevra pas des dangers réels qu’il fait courir à ses enfants , et pourra ainsi les exposer physiquement et, bien sûr, psychologiquement. Il peut, par exemple, laisser ses enfants seuls sur la place du village sans surveillance, envoyer un enfant de six ans seul à la piscine, sa fille de douze ans faire 40 kilomètres en auto-stop pour rentrer de l’école. [Possible en effet qu’il ne sache pas faire la différence entre les âges, encore que cette tare-là se corrige nécessairement un peu quand on voit grandir ses enfants. Cela dit, je ne vois pas trop quel mal pourrait résulter de prendre un marmot pour interlocuteur à part entière. Mais le laisser seul face à certains dangers, à certaines responsabilités, ne pas savoir faire la part de l’âge pour les loisirs… Je crois tout de même que l’auteure, dans sa rage de charger la barque, y entasse des contradictoires : je vois plutôt le parano multiplier en imagination les dangers courus, surtout hors de sa présence, et se conduire en parent poule, ne serait-ce que comme prétexte à l’enfermement. Non que je me souvienne d’avoir eu à subir cela : je n’étais invité nulle part, et, aussi loin que je remonte, je n’ai recherché que la solitude, ou plutôt affecté de la rechercher, pour être demandé, tactique qui foirait aussi bien à 7 qu’à 67 ans.]

    La relation du parent paranoïaque est non seulement angoissante pour les enfants, mais extrêmement dévalorisante, pour plusieurs raisons.

    La première, c’est que l’enfant se rend bien compte du caractère inadapté  du parent, notamment sur le plan social, et peut en nourrir une certaine honte (ex. : attitudes histrioniques du parent à l’école, méfiance exacerbée qui l’empêche de socialiser, etc.)

 

La honte supportée par l’enfant

Maria est une mère paranoïaque qui vit seule avec son fils. Extrêmement préoccupée par son image, elle se balade à moitié nue, pour montrer ses seins refaits, et a des attitudes histrioniques. Ayant adopté un perroquet, elle se balade avec ce dernier sur l’épaule. Son fils se sent tout honteux, et craint sa mère dont il subit les attitudes incestueuses (elle prend sa douche nue avec lui alors qu’il a 12 ans par exemple).

Françoise est une mère paranoïaque dont l’avarice est très importante. Elle a beaucoup d’argent sur ses comptes mais, comme il est important que chacun la croie pauvre, elle s’habille en haillons, achetés au marché aux puces. Sa fille nourrit une forte honte à l’égard de cet accoutrement.

Dans les deux cas, ces mères ne se rendent pas compte de leur comportement totalement inadapté, et c’est l’enfant qui éprouve la honte à leur place.

[Je me demande s’il est un seul ex-gosse chez qui cette honte ne suscite pas quelques échos, même s’il en est peu pour se remémorer des “extravagances” telles que celles qui précèdent. Mettre au compte de la paranoïa (nullement prouvée dans ces deux exemples) une honte qui n’a probablement épargné personne, surtout à l’âge où les enfants sont grégaires et redoutent que leurs parents ne se ridiculisent devant leurs potes, me paraît relever de la malhonnêteté intellectuelle – à moins qu’à mon insu je ne tienne pour acquis que les parents sont tous immatures? Noter tout de même le fil, que dis-je? la chaîne à la patte que la marmaille vous colle : quoi de mal à se “balader” à poil, un perroquet sur l’épaule – gare les griffes et la psittacose! –, ou en haillons? À ne pas mettre les pieds chez le coiffeur? À quoi ce comportement est-il “totalement inadapté”? Et le “devoir” éducatif digne de ce nom ne consisterait-il pas, ici, au lieu de se soumettre via ses enfants à la dictature de la connerie dominante, à faire valoir, et à leur enseigner, un droit à la différence qui, dans le domaine des goûts et des couleurs, devrait être incontesté?]

 

    La seconde est que le parent ne cesse de dévaloriser son enfant, tout en lui empêchant [sic] la moindre critique à ce sujet : il pourra lui dire « t’es vraiment nul », « tu n’es bon à rien », et lorsque l’enfant répétera les phrases entendues à son sujet en disant « je suis nul », « je ne suis bon à rien », le même parent lui dira alors : « mais pourquoi tu te dévalorises? », rejetant la faute de la dévalorisation sur l’enfant, alors qu’elle provient bien du parent lui-même. L’enfant est alors pris dans un paradoxe inextricable. [Une contradiction, ou un double bind, bien plus “inextricable” qu’un paradoxe. Il faut que l’enfant soit “nul” de faire si mal fructifier le sperme ou l’ovule surchoix dont il est issu, ainsi que le commerce hyper-stimulant dont il bénéficie, mais qu’il soit coupable d’être nul : l’énoncer comme un simple fait, c’est quasiment s’en disculper, et accuser de ladite “nullité” celui/celle/ceux qui vous ont engendrenfanté.]

    Avec le parent paranoïaque, l’enfant sera noyé dans des problématiques incestuelles, et donc, en permanence immergé dans les problématiques d’adultes, y compris (surtout!) les plus sexuelles, les plus morbides et les plus mortifères, sans aucun respect pour les besoins de l’enfant. Par exemple, le parent paranoïaque trouvera prioritaire que ses enfants en bas-âge aillent voir leur grand-père sur son lit de mort à l’hôpital en train d’agoniser, ou encore il exposera ses ébats sexuels avec ses amant(e)s, en mettant l’enfant dans la culpabilité de la confidence, ou encore, il exposera dans les moindres détails sa maladie à ses enfants, etc. [On voit mal ce que tout cela peut avoir d’incestuel. De narcissique, à l’évidence! et de malsain – mais encore faut-il interroger un peu ses propres préjugés à ce sujet, et se demander de quelle épaisseur il faut encotonner les gosses. Le spectacle du cadavre, a fortiori de l’agonie, de sa mère, a sans doute traumatisé Poe pour la vie, mais il n’avait pas deux ans! Et je ne puis m’empêcher le relier J*** interdisant à sa mouflette de quinze berges la vision de son grand-père mort, et D***, à la cinquantaine passée, se l’interdisant à lui-même, crainte de se faire des bleus à l’âme. Quant à moi, c’est au devant des vivants qu’il n’aurait pas été mauvais de me forcer d’aller, pour me faire retoucher l’amour-propre en un temps où je n’étais sans doute pas encore irrécupérable.]

    Dès que l’enfant émet le moindre désaccord, il subit les foudres du parent, et le retournement de culpabilité, assorti de la dévalorisation ; « tu es méchant », « comment oses-tu dire cela, après tous les sacrifices que j’ai faits pour toi? ». [Ça, mon père l’avait lui-même trop entendu en son temps pour le répéter. On l’entendait tout de même dans les silences.]

 

Aux frais du prince

Jacqueline est une mère paranoïaque. [Tout de même curieux qu’elle éprouve le besoin de le signaler à chaque fois! Il est vrai que dans la plupart des cas l’anecdote ne suffirait nullement à établir le diagnostic.] Elle expose à sa fille qu’avec les billets d’avion que lui paie son mari (le père de la fille en question), elle va “s’envoyer en l’air” avec ses amants. Elle se trouve même “généreuse” de faire profiter à [sic] ses amants de la chambre d’hôtel “tous frais payés”. Lorsque sa fille lui demande si cela ne la dérange pas de faire cela “vis-à-vis de papa”, Jacqueline répond : « mais qu’est-ce que tu peux être méchante! Qu’est-ce que tu as des idées tordues! »

 

    Les enfants subissent l’inadaptation du parent, mais aussi sa crainte de la contagion, de la maladie, la peur de manquer, sa radinerie… Le parent paranoïaque espionne et enferme, voilà ses maîtres mots dans son rapport à ses enfants. [Ses “maîtresses conduites”, si vous voulez, certainement pas SES “maîtres mots”, plutôt ceux de ses juges… superficiels selon moi.]

    Mais surtout… il contrôle, et il contrôle, notamment, le corps de l’enfant : il prend sa douche ou son bain avec, ne ferme pas les portes pour aller aux toilettes [Là, sauf erreur grammaticale, il s’agit moins de contrôle que d’exhibitionnisme.], expose son enfant au niveau de la santé (y compris jusqu’à surmédicaliser des symptômes qu’il peut même inventer, pour maltraiter par voie médicale – cf. syndrome de Münchhausen par procuration [logé ici à coups de pied : le SMP se sert de ses enfants pour faire impression aux médecins] –), se permet des commentaires incessants sur la manière de vivre des enfants, de se vêtir, de manger, etc., y compris une fois adultes. Le jeu pervers est que le parent paranoïaque pointera systématiquement en ennemi les compensations que son enfant traumatisé trouvera pour tenter  de gérer son angoisse liée au traumatisme d’avoir un tel parent : « tu ne devrais pas fumer, ça t’abîme la santé », « le coca-cola, c’est mal », « je t’ai déjà dit de ne pas boire d’alcool », etc. [À ce compte, les parents non-paranoïaques ne formeraient qu’une élite fort restreinte! Mais ce qui surprend surtout, dans cet exposé et passim, c’est que les enfants nous sont opiniâtrement présentés comme des éléments sains, et n’ayant en somme à subir que des dommages, quoique pénibles, périphériques. Ce qui confirme ma (timide) hypothèse comme quoi l’auteure règlerait ses comptes avec sa mère : d’accord pour avoir pâti, ô combien, mais pas pour en être sortie cinglée et parano soi-même! Seulement, du coup, les plus graves dangers sont éludés. Cet enfermement que j’aurais sûrement fait subir à mes gosses, ce qui me paraît le pire, c’est qu’ils n’eussent pu s’en évader, ni s’empêcher d’en rendre victime leur propre progéniture.

    D’autre part, est-ce encore une vision projective? Je crois que cette obsession de l’espionnage et de l’intrusion se focalise sur un faux-semblant, que le désir profond du paranoïaque n’est pas de voir, mais d’être vu. Il se fout de ce qu’est l’autre, il veut seulement apprendre ce qu’il est pour l’autre – pour mater tout désir d’émancipation, mais surtout pour colmater son vide.]

    

Intrusions sentimentales

Marie-Jeanne a plusieurs enfants.

L’événement déclencheur de la paranoïa fut un sentiment de culpabilité réelle. Durant la seconde guerre, adolescente alors promise à un villageois de bonne famille, elle eut une liaison avec un jeune soldat allemand, dont naquit dans le secret son premier enfant. Terrorisée à l’idée que quiconque pût un jour découvrir son secret et que l’un de ses fils pût “fauter”, elle les surveillait étroitement, écoutait les conversations téléphoniques de chacun d’entre eux, en décrochant le combiné au second étage. Elle annula ainsi auprès de la jeune fille le premier rendez-vous galant qu’attendait son fils aîné qui se retrouva seul au rendez-vous. [Anecdote un peu suspecte, mais qui illustre bien mon propos.]

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