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Le blog de Narcipat

Trois petits pas chez les huguenots

18 Septembre 2016 , Rédigé par Narcipat Publié dans #Conversion?

    L’ouvrage “éblouissant” de ma jeunesse a bien terni en quarante ans (j’avais fait, l’année dernière, une expérience semblable avec le Poe de Marie Bonaparte, mon presque premier contact avec la psychanalyse à 17 ans), sans doute parce que j’ai progressé depuis, bien que ça ne relève pas de l’évidence. Si Goguel m’avait tellement impressionné en 71 ou 72, c’est par la révélation que les dogmes, que j’avais gobés gamin, puis refusés en bloc (et qui présentaient d’immenses lacunes, au premier rang desquelles l’amour de Dieu, dont je ne crois pas avoir entendu parler au catéchisme, ou qui n’avait frappé mon oreille d’enfant sociopathe que comme une serinette insignifiante), avaient une histoire, et que cette histoire se passait aussi bien (que dis-je? beaucoup mieux!) d’intervention divine que la création du monde et de l’homme. À présent, bien sûr, c’est chose acquise, et la relecture du pavé qui m’illumina jadis (dans sa première édition, qui sait? éventuellement plus hardie?) s’en trouve injustement endeuillée. Comme d’autre part j’ai indéniablement régressé, les efforts que – mon outrecuidance me peignant un avenir où j’aurais tout maîtrisé – je faisais tout naturellement jadis sur un grimoire un peu ardu ou ennuyeux me sont devenus pénibles à force de lectures de vautrement, et je crains de larguer ce Jésus-là aussi avant la fin.

    Mais, avant que nous ne soyons interrompus par une de ses étudiantes, j’ai quand même disposé de quelques minutes pour demander quelques conseils de lecture à mon théologien, qui m’a fourgué en sus de Goguel une brochure d’un de ses confrères, un certain Senft, intitulée : Jésus ou Paul? Qui fut l’inventeur du christianisme? (question intéressante pour ceux à qui Jésus parle; je n’ai ni lu ni connu personne à qui Paul parlât), et dont le texte, malgré son intelligence acérée, est assez comique, en ce sens qu’il présente sinon comme articles de foi, du moins comme “vrai sens” des logia du Christ, et surtout des cauchemardesques épîtres de Paul (je n’en suis, pour ma part, jamais venu à bout), des interprétations ignorées de 999‰ des “croyants”, lesquels, croyant donc à et en des trucs faux, ne se prépareraient pas (si seule compte la foi, inséparable de son objet) un au-delà qui chante. Je n’ai pas tout compris, et “rien” demeure possible, mais j’aimerais citer, à titre d’exemple, quelques extraits l’intégralité du chapitre deux de la seconde partie : Qu’est-ce que le péché? (selon Paul, s’entend, mais on découvrira sans surprise que c’est aussi l’avis de l’exégète).

 

    « On s’imagine en général que l’Évangile est essentiellement et centralement l’annonce du pardon des péchés. C’est un malentendu, et un malentendu très ancien. En effet il s’amorce déjà dans le Nouveau Testament. Il provient du fait que très vite, on ne sait trop dans quelle branche de la chrétienté primitive, mais sans doute dans une branche judéo-chrétienne, la mort de Jésus a été interprétée comme sacrifice expiatoire, sur le modèle du rituel du Grand Pardon (Lv 16). Cette explication, nous l’avons vu et nous avons expliqué pourquoi, ne peut remonter à Jésus lui-même, bien que la tradition ait mis dans sa bouche quelques déclarations allant dans ce sens. Elle ne figure pas dans l’histoire de la Passion telle qu’elle a été intégrée dans les évangiles : la mort de Jésus y est présentée, par le biais de citations des psaumes, comme l’oppression du Juste par les méchants. Cette manière de présenter les choses rend compte de façon assez précise des faits tels qu’ils se sont simplement déroulés.

    Mais il se trouve que c’est l’interprétation sacrificielle qui a prévalu, et elle a consolidé sa position grâce notamment aux ingénieuses spéculations de la lettre aux Hébreux. Et c’est ainsi que l’Évangile a été réduit, aussi dans la tradition doctrinale  des Églises chrétiennes, à l’annonce du pardon des péchés : une réduction en vérité inadmissible, qui fait de la foi chrétienne une simple variante du judaïsme.

[Cette “simple variante du judaïsme”, c’est ce que croient à peu près tous les chrétiens : simple rappel, ou plutôt coup de fluo.]

    1. Qu’en est-il chez Paul?

    Il est impossible de répondre en trois mots, car la situation, dans ses lettres, n’est pas tout à fait simple. Voici pourquoi.

    D’une part Paul se montre dans ses lettres l’héritier de l’Évangile de la mort expiatoire ou propitiatoire. On y rencontre les formules traditionnelles : Jésus-Christ « propitiatoire par son sang » (Rm 3, 25); « Christ est mort pour nos péchés » (1 Co 15, 3); « Nous sommes justifiés par son sang » (Rm 5, 9). Le lecteur, qui lit les lettres dans la perspective du catéchisme qu’il a appris, s’arrêtera à ces formules, croyant que c’est le centre et le cœur de l’Évangile paulinien. Mais une lecture plus cohérente des textes lui fera apparaître que le centre de gravité, le centre vif de l’Évangile paulinien, est ailleurs. Certes, Paul a repris les formules sacrificielles; mais quand on les lit dans leur contexte, on s’aperçoit qu’il les soumet à un processus de réinterprétation des plus énergiques. Un véritable recentrement dont résulte un Évangile paulinien présentant, nous le verrons, d’étonnantes consonances avec ce que Jésus a proclamé.

    Le thème de Paul n’est pas l’expiation ou la propitiation des péchés; son thème n’est pas le pardon. Deux observations très simples montrent que ce n’est pas là une affirmation en l’air.

  a) Paul ne parle pratiquement jamais des péchés, au pluriel; à de très rares exceptions près, il parle toujours du péché, au singulier. Bien entendu, ce n’est pas une simple affaire de grammaire ou de style : il y a à cela une raison théologique. Si son thème était le pardon, il parlerait du pardon des péchés, des péchés qui sont nos fautes, nos désobéissances concrètes, qu’il faut savoir reconnaître et pour lesquelles on demande pardon. L’emploi constant du singulier suffit à lui seul, ou devrait suffire à lui seul, pour montrer que le pardon n’est pas son thème. La chose est d’ailleurs confirmée avec éclat par la seconde observation.

  b)  Dans les sept lettres que nous avons de Paul, le mot “péché” apparaît, il est vrai, 59 fois; mais pas une seule fois le mot “pardon” [1]. Cela donne à réfléchir. Entendons-nous : cela ne signifie pas que Paul ignore le pardon ou le considère comme chose négligeable; mais cela signifie à coup sûr qu’il n’est pas le thème central de sa réflexion. L’Évangile du Christ, dans la prédication et dans la théologie de Paul, n’est pas le message du pardon des péchés. Comme l’Évangile du règne de Dieu maintenant proche annoncé par Jésus, il est beaucoup plus; l’annonce d’un commencement, la libération par l’avènement d’un régime nouveau. 

    Ainsi donc, quand Paul parle du péché, ce n’est pas une manière globalisante de parler des péchés. Le péché, c’est autre chose. Mais quoi au juste? Il est très important que nous ne sachions et que nous en ayons une vision claire et nette : faute de quoi nous serions dans l’impossibilité de comprendre correctement de qui est au centre de sa théologie et de son message : la justification.

[Moui. En fait, tout ce passage n’est qu’une introduction. Si l’intérêt doit naître, c’est seulement demain.]

 

…/…

[1] Une fois, il est vrai dans une citation de l’Ancien Testament, on trouve le verbe : Rm 4, 7

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