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Le blog de Narcipat

Promenade dans les Vies Antérieures

8 Août 2010 , Rédigé par Narcipat Publié dans #TPP : Vies antérieures

     Et pourquoi ci, et pourquoi ça? Il me semble souvent que toutes les complications que je soulève ne visent qu’à faire du texte, et que le ratage de ma vie tient tout simplement au déficit d’estime de soi, générant une réaction d’outrecuidance folle (être le plus intelligent, le plus lucide, avoir réponse à tout, écrire le meilleur des romans, etc) laquelle implique l’inhibition, puisque sortir de la précellence rêvée, se confronter au réel, à la concurrence et à l’altérité, c’est prendre le risque de l’effondrement. La solitude en découle : on ne trouve pas l’âme-sœur en l’attendant claquemuré dans son antre. Et puis, l’âme-sœur, on a bien trop peur qu’elle ne la soit pas. Cela posé, je ne suis pas tout à fait autiste, j’ai fait quelques rencontres au cours de ce demi-siècle, et il m’arrive d’aller au-devant des gens, comme pas plus loin qu’ici même : que je truque les questions à mon insu pour ne pas obtenir de réponse (et cette conjecture ne relève-t-elle pas de l’illusion d’omnipotence?) ou que j’apparaisse comme une vermine visqueuse dont il faut se garer, un de ces fruits pourris qui, comme écrit Onfray, gâtent tout le compotier, le fait est que chers Autres prennent le relais du recul, et qu’en dépit de tous les efforts que je pourrais faire, tout se passe comme si j’étais condamné à l’isolement et à la déréliction d’une manière qui échappe au psychologique pour rallier le métaphysique. Au reste même si l’inhibition orgueilleuse rendait compte de tout, n’est-il pas disproportionné qu’une naissance au bout du forceps, la supplantation (on ne peut plus commune) par un frangin, et le narcissisme paternel, interprété comme décret de mise au rebut, puissent, alors que j’en suis conscient, m’avoir définitivement mis sur la touche des relations humaines? D’autres ont connu des naissances et des enfances apparemment bien plus abominables, et n’en sont pas sortis ligotés à ce point, à ce point convaincus qu’on va les recevoir comme des cheveux dans la soupe, à moins qu’ils ne paient cent fois leur écot, à ce point épouvantés par l’idée de la moindre avance, et du rejet qui s’ensuivra.

     Il est donc tentant de décloisonner cette vie qui ne me fournit pas de solution à la taille du problème, et, avec une forte portion de l’Orient, et croissante en Occident, d’aller chercher l’élucidation des raideurs et des blocages dans les vies antérieures. Après tout, de grands esprits y ont cru, et la majorité de niais, présente dans toute espèce de croyance, ne doit pas prévaloir contre elle. Mais on ne peut pas non plus céder à l’autorité du Nombre. Alors, quid du paysage intérieur? Je parviens à mettre un ou deux noms sur la plupart des lieux et personnages qui m’apparaissent de l’autre côté du miroir, à la moindre somnolence, et, j’en conviens, les autres peuvent résulter d’une combinatoire ou rester aux trois quarts immergés dans l’oubli. L’impression de déjà-vu s’explique assez par les ressemblances – et, dans une certaine mesure, son absence aussi! Si les bouquins que j’ai lus étaient un peu plus originaux, je n’attendrais pas, parfois, la page cinquante ou cent pour les reconnaître à quelque détail – et pour mon compte, je n’ai pas relevé le moindre élément qui me contraigne ou seulement m’incite à conclure à des réminiscences prénatales. Par ailleurs, je n’ai lu nulle part, ni entendu dire, que ces explorations aient révélé ombre de neuf et de vérifiable, que ce soit sur le plan du concret (lettre ou trésor caché) ou d’une connaissance plus générale (technique oubliée, état antérieur de la langue, version inattendue d’un événement historique, etc); et je ne manque pas de dûment m’esclaffer devant tous ces rigolos en qui revit – étrange régression – l’âme de César, d’Erasme, de Rembrandt ou d’Himmler, alors que les petits, les obscurs, les sans-grade, et notamment les paysans qui formaient plus de 90% de la population, sont pour le moins sous-représentés : comment ne pas voir que tout cela est puisé, comme ces moines qui viennent de l’Au-delà pousser les verres ou faire craquer les guéridons, dans les maigres connaissances livresques des intéressés?

     Et cependant, comment lire la relation d’une expérience de régression hypnotique sans être saisi du désir d’essayer? Pour ceux, s’il en est, qui ignoreraient cexé, voici : on se fait hypnotiser par un ericksonien ou autre, lequel nous invite successivement à regagner des époques de plus en plus reculées de notre passé : « Vous avez vingt ans… quinze… treize… sept… trois… » Jusque là, je ne vois pas de difficulté, ayant la conviction, ressourcée tous les jours dans le rêve, que notre passé nous accompagne, ne vieillit pas vraiment, et qu’il suffit de franchir la barrière pour le ressusciter. Suis-je hypnotisable, cela, en revanche, j’en doute : je peux passer des après-midi entières à ludionner de la veille à l’onirique, du livre que je lis à un autre qui n’a rien à voir, et dont le langage n’est hélas compréhensible que dans son monde, sur l’autre versant, celui qu’on atteint dès qu’on ferme les yeux, et même sans; mais la méditation, la concentration, voire la relaxation, qu’on nous décrit comme accessible à tous, me sont interdites : je l’ai déjà écrit quelque part dans ce blog, mon esprit est un vrai carrousel, mieux dire une boule de flipper qui va d’un flash blanc à l’autre, incapable de se fixer sur rien, d’approfondir quoi que ce soit, et, sauf sous L.S.D. (mais je ne sais où m’approvisionner) toutes mes tentatives de voyage astral, ou seulement d’absorption dans l’objet, se sont avérées vaines. D’autre part, se laisser hypnotiser, c’est accepter la direction d’un maître, et, que ça connote ou non l’enculage, je crains que ça ne m’inspire une répulsion aussi invincible qu’involontaire. Rageant quand on songe qu’il aurait suffi d’une suggestion post-hypnotique pour casser toutes les inhibitions qui m’entravent! « Vous écrirez deux pages par jour », « Vous les trouverez géniales », « Vous enverrez le bouquin à cinquante éditeurs », « Vous proposerez la botte à toutes les filles séduisantes », et hop! Enlevez, c’est pesé! Que si je m’objecte qu’alors je ne serais pas libre, franchement, ça ne m’impressionne en rien : car libre, le suis-je donc, quand un inepte interdit (qui va bien au-delà de la peur du râteau) bloque l’expression du désir et interdit son assouvissement? Mais passons : le malheur, c’est qu’il manque la suggestion initiale, celle qui me permettrait de frapper à la porte d’un hypnotiseur; et que même si j’arrivais à “prendre sur moi”, tout me porte à supposer que je suis des 10 ou 20% (selon les ouvrages) de réfractaires.

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