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Le blog de Narcipat

[ Soigner la paranoïa?]

20 Juillet 2017 , Rédigé par Narcipat Publié dans #VA : X : La paranoïa

[Sans exclure donc quelque retour en arrière, un jour où je ne trouverai pis à faire, j’aborde directement le chapitre 6, et mes chances de guérison… réputées minces, on le sait.]

 

Chapitre 6

 

Soigner la paranoïa?

 

L’on voit rarement des paranoïaques dans le circuit de la psychiatrie, en premier lieu parce qu’ils pensent aller très bien, ce sont les autres qui défaillent… [mais surtout parce que la paranoïa se déclenche, ou, disons, sort de l’ombre tardivement, et qu’on répugne à se faire soigner la psychè à quarante ou soixante ans : moi, par exemple, je serais intéressé par ce qu’un psy (même aussi engoncé que mon auteure dans des théories préétablies) pourrait dire de mon cas, pour peu qu’il s’y intéressât le moins du monde (donc nettement moins depuis que j’en ai vu un cinq minutes par mois pour prolonger mon ultime dispo). Mais même si une rénovation in extremis était possible, j’aurais le sentiment d’être un parasite ridicule si j’allais creuser le trou de la sécu en vue de simplement mourir dans la peau d’un mec normal, alors que mon innocuité est désormais totale.] Lorsqu’ils surgissent dans l’institution, c’est à la faveur d’une “faille” dans leur système délirant, d’une fêlure, la plupart du temps sur un mode dépressif (lors des hospitalisations d’office suite à des passages à l’acte). [Vulgo : des soi-disant tentatives de suicide, je suppose.] Le délire ne tient plus suffisamment, ne parvient plus à faire écran, et c’est alors que surgit le noyau mélancolique dont j’ai déjà parlé. [de manière allusive, comme d’une espèce de monstre mystérieux que sa dénomination suffirait à créer émergeant du loch].

 

1. Le transfert sur le psy : idéalisation et persécution

L’expérience transférentielle dans le travail analytique ravive les angoisses fondamentales face à l’objet d’amour, et peut entraîner une régression affective au sein du transfert.

    Le transfert paranoïaque est, comme tout transfert de type psychotique, massif. Pour le paranoïaque, il s’agit d’idéaliser le thérapeute qui sera vécu comme le prolongement corporel et psychique de lui-même. Dans cette fusion, dans cet amour idéal s’inscrira aussi l’insécurité dont j’ai parlé. S’ajoute à cela [À vue de nez, on dirait plutôt que ça s’en retranche!] l’angoisse de l’omnipotence d’un thérapeute qui pourrait lire dans les pensées, manipuler, etc. Sur la base de ses projections, le patient idéalisera d’abord le thérapeute  avant d’en faire son ennemi juré, sur le mode de la persécution. Si le patient sent qu’il peut ensuite figer son thérapeute dans la peur, alors la méfiance augmentera : « si le thérapeute a peur, c’est qu’il a quelque chose à se reprocher », se dira le paranoïaque, sans voir que précisément c’est lui-même qui, par son comportement et ses remarques, induit cette peur…

 

« J’ai envie de les buter toutes (sauf vous, docteure, bien sûr) »

Le patient paranoïaque se régale de tétaniser sa psy en lui déroulant ses désirs de meurtre, de vengeance sur son ex-épouse. « Elles sont toutes pareilles, vous ne trouvez pas docteur? » Elles nous trahissent et ensuite il faudrait qu’on ne dise rien! Je vais vous faire une confidence, docteur, j’ai acheté un flingue, et chaque soir, je le contemple en me demandant ce que ça ferait si je lui en tirais une, là, en visant bien, dans la cervelle.. On en finirait une bonne fois pour toutes. Il n’y a que vous docteur qui sauvez l’image des femmes pour moi… » À chaque séance, il en rajoute, affirmant tout à la fois que cette psy est son idéal de femme, et en même temps qu’il veut « buter toutes les femmes » (sauf elle bien sûr), et il se régale de son effroi. Si cette psy ne s’était pas laissé entraîner dans l’effroi, ce patient paranoïaque n’aurait sans doute pas joué autant cette mise en scène passionnelle et tragique. Se sentant (légitimement) en danger, cette psy consulte un superviseur, qui lui conseille de changer de posture : travailler sur sa peur, rappeler le cadre légal de l’obligation de signalement [pas évidente à définir pour le profane, entre les art. 434 du Nouveau Code Pénal, définissant une obligation de mouchardage des crimes à commettre… au sens un peu large, les criminels pouvant toujours récidiver (434-1 : 3 piges et 45000 euros) et des maltraitances sur mineurs et autres personnes “pas en mesure de se protéger” (434-3 : même peine si vous “n’entendez pas” les cris d’un enfant dans le clapier d’à côté), et d’autre part les 226-13 et 14, définissant le secret professionnel. Profitons de l’occasion pour faire observer que la fraction des rodomonts paranos qui passeront à l’acte est évidemment très faible : alors, pourquoi refuser le nom de fantasme à ces menaces qu’ils se délectent de voir se refléter dans l’œil d’un (ou d’une, de préférence) psy, et qui, j’en jurerais, les dispensent de “buter” qui que ce soit?], retrouver une parole d’auteur (et non de victime sidérée par ce discours). Dès lors, le délire du patient dégonfle (puisqu’il n’y rencontre plus de jouissance), et il cesse de mettre en scène des histoires de meurtre et d’arme à feu. [Autobiographique? L’emploi de “psy” sec, inhabituel dans la prose de l’auteure, semble indiquer l’évitement d’une suspicion d’incompétence. “Docteure” passe sans verre d’eau, sauf que c’est en psychologie, et pas en médecine, donc en contravention à l’usage français : un prétendu “pervers” faisait sonner cette différence entre psychiatre et psychologue au début du chap. 4., la différence majeure tenant à la longueur des études et à la présence, in medio, d’un concours, ce qui n’empêchera pas, selon moi (et la plupart des paranos, je suppose), un Bac+10 de coller ses problèmes à ses patients, ni un analphabète d’y voir clair en vous; ce qui toutefois relativise cruellement cette assertion, c’est que je n’ai rencontré ni l’un ni l’autre.]

 

    Les résistances au transfert s’inscrivent sur le mode de l’archaïque, avec le clivage, l’introjection passive, l’identification projective, mais aussi, sur le mode pervers, avec l’instrumentalisation du thérapeute et des velléités d’emprise sur lui.

    La haine s’illustre également dans le transfert, par moments, teinté d’agressivité, d’imprévisibilité, de débordements affectifs. L’impossible sécurisation, jamais obtenue de la part du thérapeute investi comme objet maternel et tout puissant, peut fragiliser le patient, qui se retrouvera confronté avec une terrible violence intérieure.

    Néanmoins, le transfert aura une utilité sur le plan narcissique, surtout sur le même sexe, car il obligera à se confronter à la dialectique Moi/Autre, face à la pulsion homosexuelle archaïque dont nous avons parlé, avant de parvenir au stade de l’altérité. Il pourra se prolonger tant que le patient le désire mais aussi, tant qu’il n’y a pas de mise en danger du thérapeute sous la menace paranoïaque.

 

2. La posture victimaire : pourquoi consultent-ils?

La question se pose à juste titre : pourquoi, s’ils ne se remettent jamais en question, les paranoïaques consultent-ils des thérapeutes?

    Il existe plusieurs cas de figures. Tout d’abord, il existe des patients à tendance paranoïaque, qui en souffrent, mais ne sont pas complètement délirants et peuvent donc partiellement se remettre en question. Eux sont donc en capacité de travailler sur leurs propres mécanismes.

    Quant aux autres paranoïaques, de type plus affirmé, ces patients consultent souvent pour obtenir l’aval du psy, que ce soit un aval pour leur personne propre, ou le besoin d’un aval [sic] comme un certificat, un papier, mais un aval plein et entier, une sorte de “caution” thérapeutique qu’eux ne sont pas fous, mais que les autres, si, en somme une adhésion pleine et entière au délire.

 

« Je ne suis pas paranoïaque, je suis intelligente »

Voilà une femme paranoïaque qui rencontre de gros problèmes avec ses collègues au travail et est suivie par un psychiatre. Ce dernier lui fait un certificat pour une demande d’invalidité après un arrêt maladie et lui annonce le diagnostic de “paranoïa” qu’il écrit sur le certificat. Pas le moins du monde touchée, elle en parle à sa famille et contredit très calmement ce diagnostic en disant : « Je ne suis pas paranoïaque, je suis intelligente ». Comme si l’intelligence excluait un tel diagnostic! [Non, évidemment. Il n’empêche que la remarque de la “malade” témoigne en sus d’une intelligence plutôt limitée, et qu’on ne peut pas désespérer d’avance des facultés thérapeutiques de l’intelligence appliquée à l’auto-examen.]

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