L’estime de soi et ses racines

     Quelle pique me mouche? Une velléité, dans un rayon de soleil, de me “remettre à l’italien” (“re” quelque peu bluffeur : je suis encore plus nul en rital qu’en anglais!) qui s’est traduite non par une virée à Venise ou aux Cinque Terre, mais par l’emplette à 20 centimes d’un caca-bouquin de Willy Pasini, L’austostima, lequel ne semble pas faire partie des nombreux de l’auteur traduits en français, sur les listes d’Amazon. Au vrai, je garde un doute : il y a des chances que L’estime de soi ait été “rendu” par : Être sûr de soi. La raison de cette légère distorsion de m’apparaît pas, mais peu importe, car, après lecture en diagonale, je n’ai pas la moindre tentation de m’y atteler. Tous ces guérisseurs de l’estime de soi, du respect de soi, de la confiance en soi, à commencer par l’ancêtre Coué, me semblent pécher par le même vice, de ne pas prendre le réel en compte. Ils enregistreraient comme réussite, ce me semble, de transformer un minable complexé en minable imbu de soi. Foin d’une telle cure! Ne rien valoir est la hantise narcipathologique de base, mais je refuse de m’en guérir par l’illusion, du moins consciente et délibérée. Ç’à quoi j’aimerais parvenir, si je suis un minable, c’est à le voir en face et à m’en accommoder. Mais ce serait reconnaître qu’être un minable signifie quelque chose, qu’on est fixe, que demain est l’enfant d’hier, et que notre potentiel de transcendance et de liberté est un leurre.

     Le test de la fin ne me semble pas plus puissant que le reste; la moitié des questions me paraissent d’une pertinence introuvable. Je ne me suis astreint à chercher tous les mots douteux dans le Robert-Signorelli que pour être sûr d’avoir pigé (quelques points de résistance, toutefois) et n’offre le résultat au felice pochino que pour n’avoir pas perdu ma peine (infime, à dire vrai), et en guise d’hommage à l’altérité.

     Sur ce, je laisse la parole… non pas à Pasini, en fait, puisqu’il emprunte ce test à Dania Capellini et Gloria Rossi. L’origine féminine des questions est parfois sensible, du reste (voir la 32, et quelques autres). J’en ai malgré moi insensiblement masculinisé quelques-unes : compagne au lieu de partner, à celle qu’on aime pour a chi si ama, etc. Les rectifs sont faciles à opérer.

     Ce test se propose de t’aider à évaluer l’estime que tu te portes. Mais il peut aussi t’être utile pour en déterminer le niveau selon les divers aspects de ton identité – Soi émotif (SÉ), Soi physique (et sexuel) (SPh); Soi social (et relationnel) (SS), Soi professionnel (SPr) – et découvrir quels sont tes points forts et tes zones de faiblesse. À cette fin, tu trouveras, dans la table qui suit le test, à quel aspect du Soi se réfère chaque question, et dans quelle direction œuvrer pour t’estimer de manière plus solide et plus consistante. [au sens, je suppose, de “justifiée”]

1) Un corps volumineux cache souvent :

a - un désir étouffé de séduire.

b - une grande passion pour la cuisine.

2) Se sentir bien dans sa peau :

a - c’est un choix.

b - c’est une chance.

3) Un ami à toi a été licencié. Tu penses :

a - même sa compagne va finir par le considérer comme un raté.

b - pour une porte qui se ferme, il y en a toujours une autre qui s’ouvre.

4) Tu n’as pas saisi le nom de la personne qu’on vient de te présenter :

a - tu feins d’avoir saisi.

b - tu t’excuses et te le fais répéter.

5) Dire non à celle qu’on aime :

a - c’est une manifestation de courage.

b - c’est une preuve d’incompréhension.

6) Le sexe et la bouffe se ressemblent :

a - exact, on savoure l’un et l’autre.

b - oui, mais il faut faire attention à ne pas attraper une indigestion.

7) Laquelle de ces pensées te vient le plus souvent :

a - si j’avais fait plus attention, j’aurais commis moins d’erreurs.

b - si je ne m’étais jamais trompé, je n’aurais pas compris tant de choses.

8) Pendant une réunion, tu es en désaccord avec le chef :

a - tu ne trouves le courage de t’exprimer qu’après la fin de la réunion.

b - tu jugules la peur de gaffer, et tu fais état de ton désaccord.

9) La passion, pour toi, c’est :

a - un expédient dont use la nature pour former les couples.

b - la sève de la vie.

10) Avoir du toupet [ou de la poigne (avere grinta) : gênant. Péjoratif ou non?? La question me semble changer de sens.], selon toi, ça veut dire :

a - être déterminé.

b - être agressif.

11. Quelqu’un remarque ton parfum. Tu penses :

a - peut-être que j’en ai trop mis.

b - peut-être que j’ai fait mouche.

12. Accepter les avances d’un(e) collègue, ça signifie :

a - ne bien faire ni l’amour ni le travail.

b - rendre plus pétillantes les heures ouvrées.

13) L’amour pour toute la vie :

a - est une agréable illusion.

b - est réservé à ceux qui le méritent.

14) Si tu as les mains moites :

a - tu les essuies sur tes vêtements avant de serrer celle d’autrui.

b - tu évites stratégiquement tout contact.

15) À nos enfants nous transmettons surtout :

a - ce que nous enseignons.

b - ce que nous sommes.

16) Quand tu as tort, dans une discussion :

a - Tu rentres dans ta coquille, comme un bernard-l’hermite.

b - Tu te vexes [ou tu t’en ressens – t’en ronges, accuses le coup, etc : te ne risenti.] comme un singe [???? plutôt une guenon ou une singesse, d’ailleurs : scimmia. La question, selon ma trado, n’a aucun sens, puisqu’il n’y a pas d’alternative. Mais ce n’est pas la seule.]

17) Le pouvoir, en amour :

a - devrait être partagé.

b - appartient toujours à celui qui aime le moins.

18) Une de tes connaissances s’écrie : « J’ai toutes les déveines! » Tu penses :

a - « Tu n’y es pas pour rien! »

b - « Tu as vraiment la guigne. »

19) Quand tu es très en colère :

a - tu ne l’envoies pas dire.

b - avant d’ouvrir la bouche, tu comptes jusqu’à 100.

20) Au bureau, tu t’efforces :

a - de conquérir toujours plus de visibilité.

b - de rester dans une prudente invisibilité.

21) Pour séduire, ce qui marche le mieux, c’est :

a - le magnétisme.

b - d’en mettre plein la vue.

22) D’où vient l’efficience des groupes d’entr’aide?

a - de ce que l’union fait la force.

b - de ce qu’ils te permettent de te retrouver toi-même.

23) L’ennui de la chirurgie esthétique :

a - c’est que tu ne sais jamais à qui tu as affaire. [a chi ti affidi : à qui tu te confies (à quel toubib tu confies ta carcasse, jsuppose... à moins qu'on ne se réfère à un mythique être réel de la personne physiquement métamorphosée.)]

b - c’est qu’elle trompe tout le monde sauf toi.

24) Si tu rencontres un obstacle dans le cadre de ton travail, tu penses :

a - j’ai dû rompre quelque équilibre délicat.

b - je ne sais décidément pas me faire valoir.

25) Premier jour à la plage :

a - tu penses qu’il ne te manque que le bronzage.

b - tu te dis : « Pourvu que je ne rencontre personne! »

26) Si ta compagne te plaquait :

a - tu penses qu’elle ne saurait jamais ce qu’elle a perdu.

b - tu dirais à tout le monde que c’est toi qui l’a plaquée.

27) Il est souvent difficile de faire un choix :

a - parce qu’il comporte toujours un renoncement.

b - parce qu’on ne peut pas revenir en arrière.

28) La ponctualité, pour toi, c’est :

a - la politesse des rois.

b - l’incertitude que l’autre attende.

29) Après t’avoir examiné et longuement écouté, ton médecin te conseille une psychothérapie :

a - tu en envisages la possibilité.

b - tu le ressens comme une offense.

30) Si une personne t’intéresse spécialement :

a - tu réserves tes attentions à une autre.

b - tu cherches à te placer sur la trajectoire de ses regards.

31) Si tu reçois un compliment inattendu :

a - tu te demandes si c’est bien à toi qu’il s’adresse.

b - tu rougis, mais tu l’apprécies.

32) Quel être trouves-tu le plus irrésistible? Celui qui a

a - l’aventure dans les yeux.

b - le pouvoir dans les mains.

33) Si quelqu’un te doit de l’argent :

a - tu ne regardes personne en face.

b - tu ne sais quelle tête faire pour le lui demander.

34) Le bon caractère, c’est :

a - l’assaisonnement qui donne du goût aux qualités d’un homme.

b - un passe-partout commode.

35) Au volant de ta sexualité, ton comportement le plus fréquent, c’est :

a - d’accélérer et de doubler.

b - de ne pas changer de vitesse.

36) Un ami fait une citation erronée :

a - tu glisses pour ne pas lui faire honte.

b - tu signales l’erreur sans pitié.

37) Si un collègue te dit : « Enfin! Les vacances sont finies! » ta première pensée :

a - ça doit être l’enfer chez lui.

b - dommage que je n’aime pas à ce point mon boulot!

38) L’avarice, pour toi, c’est :

a - de vivre avec prudence par peur de la misère.

b - une stricte économie aujourd’hui en vue de la richesse de demain.

39) Laquelle de ces deux maximes sur l’amitié te convient le mieux?

a - « L’unique moyen d’avoir un ami, c’est d’être un ami. » ( R. W. Emerson)

b - « Tant que tu seras heureux, tu aura des amis à foison; si le temps se gâte, tu resteras seul. » (Ovide)

40) Tout le monde a un rêve dans son coffre :

a - l’important, c’est de ne pas l’ouvrir.

b - il faut garder la clé en lieu sûr.

(Question par question, les réponses qui valent un point. Entre parenthèses, l’aspect du soi qu’elles concernent.)

1 a (SPh); 2 a (SPh); 3 b (SPr); 4 b (SPr); 5 a (SÉ); 6 a (SPh); 7 b (SÉ); 8 b (SPr); 9 b (SÉ); 10 a (SPr); 11 b (SPh); 12 a (SPr); 13 a (SÉ); 14 a (SS); 15 b (SÉ); 16 a (SS); 17 a (SÉ); 18 a (SS); 19 a (SPh); 20 a (SPr); 21 a (SPh); 22 b (SÉ); 23 b (SPh); 24 a (SPr); 25 a (SPh); 26 a (SÉ); 27 a (SS); 28 a (SS); 29 a (SÉ); 30 b (SPh); 31 b (SS); 32 a (SPr); 33 a (SÉ); 34 b (SS); 35 a (SPh); 36 a (SS); 37 a (SPr); 38 a (SS); 39 a (SS); 40 b (SPr).

De 0 à 13 points

FLUCTUANT

     Sujette à l’instabilité de ton humeur et aux vicissitudes alternées de la vie, ton estime-de-soi a souvent besoin d’étais externes, attendu qu’avec tes seules ressources tu ne parviens pas à la maintenir aussi constante que tu le voudrais. Mais cette dépendance l’affaiblit plus que tu ne l’imagines. Si tu veux la renforcer de manière adéquate, il faut repérer ses côtés les plus faibles, et, en t’appuyant sur les plus forts, t’évertuer à gagner toujours plus de confiance en tes aptitudes naturelles, parce que tu ne peux confier aux autres une tâche qui n’incombe qu’à toi : croire en toi-même.

De 14 à 27 points

STABLE

     Capable de se nourrir des encouragements qu’elle reçoit, mais aussi de tirer profit de l’expérience, erreurs comprises, ton estime-de-soi repose sur un terrain ferme et sur les fondations solides de ta personnalité. Raison pour quoi, même aux moments où tout semble aller de travers, tu réussis à conserver le minimum indispensable de confiance en tes ressources, lequel te permet de surmonter les obstacles et de reconquérir le bien-être. Les aspects les moins épanouis de ton estime-de-soi mériteraient toutefois d’être cultivés, même si ça coûte un peu de peine.

De 28 à 40 points

INAMOVIBLE

     Ton estime-de-soi se fonde sur le postulat de ta perfection, que tu as rarement remis en cause. Capable de résister aux assauts de l’émotivité et de surmonter les difficultés matérielles de la vie, tu as tendance à défendre et à garder tes opinions avec rigidité. Et ce manque de souplesse, outre qu’il t’expose au risque d’un effondrement imprévu et subit de ta confiance en toi, peut te rendre “imbuvable” à qui t’approche. N’oublie donc pas que la vraie estime de soi ne peut se passer d’une saine dose d’autocritique.

     Bon, bon, d’accord, un garde-fou est posé in extremis. Le m’as-tu-vu imperturbable n’est pas donné comme idéal humain. Le but n’en demeure pas moins de se voir en beau, sans nécessairement s’améliorer. Les ambitions ne sont pas prises en considération. Et de toute façon, le narcipat reste en marge, parce qu’il se prend, alternativement ou simultanément, pour le pire et le meilleur. Je persiste d'ailleurs à penser que les graves distorsions “positives” de l'estime de soi ont toutes un revers de dévalorisation, et qu'elle est originelle.