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Le blog de Narcipat

[Contre-transfert et bienveillance]

22 Juillet 2017 , Rédigé par Narcipat Publié dans #VA : X : La paranoïa

 

5.1. Contre-transfert et bienveillance

La question du contre-transfert est en soi fondamentale, mais elle l’est encore davantage dans la paranoïa qui, d’une part, en tant que psychose, capte tout de suite l’inconscient du thérapeute, [Je ne retrouve nulle part cette propriété qui serait à vous lire le fait de toute psychose! Mais pourquoi? Mais comment? On croirait un écho de la croyance populaire, que tout déficit de la raison discursive doit être compensé par un profit instinctuel : « Médor sent que tu ne l’aimes pas. »] d’autre part, en tant que spécifiquement paranoïa, interprétera tous les “non-dits” ressentis du thérapeute contre elle.

    Suivre un patient paranoïaque ou un patient à tendance paranoïaque (même état-limite) nécessite donc des règles strictes pour le thérapeute lui-même. Il s’agit d’être au clair avec son inconscient et ses projections contre-transférentielles, et de les nommer. Car ce qui n’est pas nommé paraîtra obscur et étrange au patient, et c’est sur ce sentiment d’étrangeté qu’il pourra développer un délire de persécution sur son thérapeute. Pour minimiser les risques, il faut nommer les mouvements transférentiels. Par exemple, il peut s’agir de dire au patient « lorsque vous parlez ainsi, vous me faites peur », parce que le patient paranoïaque aura de toute façon senti l’éprouvé de peur du thérapeute. Si le thérapeute ne met pas de mots sur ses éprouvés, c’est pire, car cela laissera le vide, ce vide sur lequel s’enracinera l’interprétation délirante. [Ce patient paranoïaque, qui capte immanquablement “l’éprouvé de peur”, mais est aveugle à sa cause, alors même qu’il a sciemment cherché à provoquer cette peur, me laisse incrédule : encore une fois, d’où donc viendrait cette captation intuitive à un persécuté, par exemple, incapable de comprendre que son “persécuteur” n’a tout simplement pas songé à lui une minute? Cela dit, je ne discute pas la nécessité d’amadouer le patient. Mais le bon sens populaire (“Il ne faut pas contredire les fous.”) nous l’aurait aussi bien enseigné.]

    Bien souvent, j’ai pu remarquer que l’expression honnête des propres éprouvés du thérapeute fonctionnait et permettait d’établir un lien, à l’endroit où bien sûr, dans d’autres types de prises en charge, le thérapeute n’a pas à exprimer ses propres éprouvés. Mais dans le cadre de la prise en charge d’un patient à tendance paranoïaque, cela me paraît un outil de travail extrêmement important, car ainsi le patient peut apprendre, à travers le thérapeute “porte-parole”, à mettre des mots sur ce qu’il ressent de l’éprouvé de l’autre, et qui peut lui paraître étrange, bizarre, et devenir obsédant s’il n’est pas nommé. Le thérapeute ne pourra rien cacher de ses mouvements contre-transférentiels à son patient, qui les captera tout de suite, et même avant lui! [J’aimerais bien jouir de cette faculté. Mais que serait-elle d’autre qu’une forme d’empathie?] Le pire consiste donc à éprouver de la peur (ce qui donne, par conséquent, de l’existence à la destructivité du paranoïaque, ce qu’il convient, évidemment, d’éviter [Pas évident du tout : donner de l’existence à la destructivité sans qu’elle soit passée à l’acte, c’est la désamorcer.], en travaillant soi-même sur cette peur), mais également de la [sic] refouler, ce que le paranoïaque percevra, et n’aura de cesse d’interpréter dans sa configuration délirante.

    Cela suppose un travail fin et discriminant sur son propre contre-transfert : comprendre ce qui se joue, même si c’est ressenti comme une partie de soi qui appartient à l’autre, sans se sentir par exemple coupable de ressentir de tels éprouvés [ou l’inverse : quelle langue, Seigneur!] de haine envers son propre patient, ce qui peut arriver lors d’un suivi de patient à tendance paranoïaque.

 

L’imitation paternelle

Jean-Jacques a sa fille en résidence alternée, fruit d’un long combat narcissique, où il lui était impossible de céder sur la garde, au mépris même des désirs de l’enfant. En séance, il explique à la psychiatre qu’en réalité, il ne sait toujours pas comment être père, conscient de son incapacité affective avec sa fille (NB : ce qui ne l’a pas empêché de militer pour la garde alternée), et que, par conséquent, il observe les gens autour de lui et refait pareil. En entendant cela, la psychiatre est traversée par des éprouvés d’horreur, de sidération et de rejet, qu’elle met au travail en supervision, en comprenant qu’elle éprouve alors ce que ce père ne parvient pas à éprouver vis-à-vis de sa propre posture paternelle. [et qu’il devrait éprouver, insinue à l’évidence le texte, ce qui me trouble un peu, car non seulement ce bonhomme me paraît plutôt digne de pitié, mais je ne reconnais, dans son attitude incroyablement humble, rien du paranoïaque tel qu’il nous a été présenté jusqu’à présent, seul détentinventeur de la vérité, etc. Reconnaître qu’il ne sait pas, et n’a nul moyen de savoir, au lieu de traiter sa fille en prolongement de lui-même, en s’efforçant de lui imposer tous ses goûts sans considération de l’âge, je ne vois pas là de quoi susciter une telle horreur; il est en tout cas plus avancé que moi sur la voie du Tiers et de la guérison. Il est vrai que moi, peu importe, alors que lui déraille in vivo : l’enfant est menacé. Mais on ne sait trop de quoi, ici.]

 

    Avec la paranoïa, il s’agit surtout de ne pas activer de contre-transfert de haine (ou de le désamorcer lorsque c’est le cas, notamment en supervision), et de sécuriser, autant que faire se peut (il s’agit, bien sûr, d’une mission impossible, mais il convient de la fixer en idéal), le patient. Pour cela, il est bien évident qu’il s’agit de rester constant, de ne pas varier, de ne pas manier l’interprétation, de rester extrêmement prudent, mais surtout, d’être pleinement bienveillant, même lorsque le patient insiste, s’énerve, s’agace, harcèle, pose des injonctions, etc. Des outils de relaxation et de respiration [?] peuvent être proposés, si le patient n’est pas trop délirant et présente plutôt une personnalité de type paranoïaque.

    La bienveillance, plus qu’ailleurs, est fondamentale ici. [On n’en oit guère l’écho dans votre livre.] Il s’agit pour le thérapeute d’entendre, derrière les manifestations haineuses, agressives et menaçantes, l’éprouvé d’impuissance du patient paranoïaque, sa blessure narcissique, et la souffrance psychique que cet éprouvé engendre. Cela crée la nécessité de comprendre et d’entendre <ce> que tout ce système de contrôle masque, à savoir, une épouvante, un effroi et une détresse infantiles incommensurables. [À ce point incommensurables, si je vous suis bien, qu’on s’est bouché toute voie pour en rien ressentir, et que le premier effet d’une cure réussie serait une reprise de contact avec la terreur et la détresse?] En entendant cet éprouvé de terreur, le thérapeute peut lui-même dépasser sa propre peur contre-transférentielle, et développer une empathie envers son  patient, empathie qui est particulièrement nécessaire dans ce type de suivis (sans qu’elle signifie de se laisser manipuler par son patient ni entraîner dans son délire bien sûr!).

    Souvent, le patient à tendance paranoïaque sera plus en mesure de travailler avec un thérapeute de l’autre sexe, même si ce n’est évidemment par son premier mouvement, en raison du type de projections homosexuelles qu’il subit (cf. supra). Lors des phases dépressives, qui font surgir le noyau mélancolique, il est essentiel que le thérapeute intervienne en étayage, voire puisse proposer un traitement ou des solutions d’hospitalisation, car il arrive que des patients à tendance paranoïaque basculent sévèrement dans une dépression de type mélancolique.

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